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  Jeu d'Enfants (Partie II)
Écrite par Maitre_des_archives le 15/12/2012 à 01h15
Note : Non noté Catégorie : Vie des personnages
Lue 3360 fois Il suffit d'une fois pour que tout bascule. Lorsque le temps nous est compté, les décisions les plus difficiles sont celles pour la survie de nos amis.
 
 

 
 

VIII

 

Je me renversais sur le siège de Jérémie et fermais les yeux. Je sentis les larmes monter, d'un revers de la manche je les essuyais et pris le chemin de l'usine. Tant que j'arrivais Jérémie aurait déjà envisagé les solutions possibles, du moins j'essayais de m'en persuader. Mais une partie de moi savait qu'il n'en était rien et lorsque je franchis l'entrée de l'usine l'idée lancinante de l'extinction du supercalculateur s'imposait à moi.

- Il a attaqué Odd !

Jérémie était désemparé et j'eus la certitude qu'à lui aussi la solution s'imposait.

- Et les données ? tentais-je sans conviction.

- J'ai même pas fait la moitié, c'est beaucoup trop long...et là on a plus le choix.

Là c'était lui qui craquait, c'était donc à moi de garder mon calme. Une profonde inspiration et j'essayais de donner le change tant bien que mal.

- C'est quoi l'attaque ? Ecoute Jérémie faut qu'on repasse tout, on peut pas faire ça ! On s'en est toujours sorti jusqu'à maintenant y'a pas de raisons que ça change !!

Je m'entendis presque hurler. De rage, d'énervement, de fatigue...tout se mêlait mais maintenant je n'avais plus du tout l'intention de me laisser aller et de baisser les bras face à Xana. Mes amis étaient encore là, ils n'étaient pas morts, Jérémie lui-même me l'avait dit, il était possible de les retrouver et de les ramener.

- Je sais pas pour l'attaque mais c'est pas très difficile de savoir qui elle va viser, murmura t'il.

- Nous...finis-je.

- Tant que tu restes à l'intérieur de l'usine tu seras surement plus à l'abri, continuais-je.

Je vis son expression changer, pas sûr de comprendre le sens de ma phrase.

- Tant que JE reste ? Je peux savoir ce que tu deviens ? interrogea-t-il surpris.

- Je joue à l'appât.

En d'autres temps cette discussion aurait essuyé les refus de tous, nous aurions discuté, voté, argumenté...Mais là rien.

- Soit prudent, je n'ai plus à t'apprendre ce qui t'arrivera si...

- Je sais, je sais. A toi de te servir de ce temps. Et si jamais on s'en sort pas tu sais ce qu'il reste à faire. Je terminais cette phrase dans un murmure, laissant notre imagination entrevoir l'extinction du supercalculateur.

- Je suis pas sûr d'y arriver seul...bégaya t'il.

Je me rendis compte qu'en faisant ça je lui demandais d'endosser seul la responsabilité de la mort de Yumi, Aelita et Ulrich.

- Et puis Xana et moi on a un compte à régler. Mais t'inquiète pas je lui ferais part de tes plus sincères amitiés ajoutais-je dans un sourire.

Celui-ci me fut rendu et je quittais l'usine ne sachant ce qui m'attendait. Hormis qu'il s'appelait Xana.

Je restais dans les parages de l'usine. Si jamais Jérémie était la cible j'aurais ainsi le temps d'aller à son secours. Quelques coups de fils m'indiquèrent que tout allait bien...enfin, façon de parler. Finalement il ne fallut que quelques dizaines de minutes pour que l'ennemi morde à l'appât.

J'étais placé au bout du pont, à l'entrée même de l'usine. J'avais récupéré un bout de ferraille dans l'usine. Mes précédentes expériences avec Xana m'avaient montré l'utilité d'une telle arme. D'abord seul le brouhaha lointain de la ville me parvint. Puis progressivement un son s'éleva au-dessus de la masse de bruits. Un cliquetis. Seulement il ne venait pas de la ville mais de l'usine.

J'y retournais prestement et depuis le rebord métallique j'observais la dalle de l'usine. Trois Kankrelats s'évertuaient à trouver un moyen de monter à ma hauteur. Ils furent bientôt rejoints par deux autres et je devinais que le nombre n'allait cesser d'augmenter. Je voulus prévenir Jérémie mais ma présence était de trop et ce n'est que de justesse que j'évitais le 1er tir.

- Bon au moins ça c'est fait, je sais contre quoi je me bats maintenant.

Parler tout haut était un de mes passe-temps favoris sur Lyoko. C'était surtout une façon de faire part de mes exploits à tout le monde. Là ils n'étaient pas là mais pour moi c'était tout comme.

Caché derrière un pilier je cherchais une stratégie mais malheureusement aucune ne me vint. Après tout ma devise ça a toujours été de foncer dans le tas. Ulrich, lui, calculait, prévoyait... sauf que là il n'avait pas prévu. Une fois de plus je chassais cette image et me concentrais sur les amuses-gueules sur pattes. De toute façon j'étais l'appât alors autant remuer un peu !

Je courus comme un dératé le long du balcon métallique. Hors d'atteinte ils n'essayèrent même pas de tirer mais me suivait depuis le bas comme des sangsues. Il fallait les dégager d'ici et vite. Avisant la corde je sautais dans sa partie inférieure et dans mon élan je partis droit vers les Kankrelats.

- Oups...mauvaise idée !

Je sentais déjà le tir mais rien ne se produisit. Celui-ci avait heurté ma barre de fer serré contre moi. La chance était de mon côté pour une fois.

- Attention !! je paasssseeee !! Hurlais-je à leur attention.

Mon morceau de métal embrocha un Kankrelat qui explosa aussitôt. Déjà la corde repartait dans l'autre sens telle une liane et je parais un nouveau tir. N'ayant pas le temps de viser je me servis de mon arme comme d'une batte et envoyait valser le monstre suivant.

- Et de deux ! A qui le tour ?

Pour toute réponse un tir vint heurter la corde qui se coupa net et j'effectuais un vol plané avant d'atterrir lourdement sur le dos.

- Ouch, ça fait plus mal que sur Lyoko quand même, pensé-je. Maintenant s'agit de pas rester dans la ligne de mire de ces bestioles.

Je roulais sur le côté entendant les premiers tirs siffler autour de moi. Je me relevais derrière un pilier. Le bruit des cliquetis se rapprochait et ils n'allaient pas tarder à m'encercler. Au fond l'escalier de secours attira mon attention. Je les laissais se rapprocher encore un peu, toute seconde était bonne à prendre, et je m'élançais droit vers les marches. Aucun monstre n'eut le temps de viser et ils reprirent à nouveau leur marche.

- Youhou ! je suis là !

Debout sur les premières marches je les narguais. Je doute qu'ils soient dotés d'un sens de l'humour mais en tout cas ils ont une ouïe développée...en quelques secondes les premiers Kankrelats étaient sur les marches et tentaient de me rejoindre sur le rebord métallique. C'était plutôt amusant de les voir avancer par petit bond méthodique, ratant parfois la marche et dégringolant en arrière. Leur angle de tir était trop faible pour qu'ils m'atteignent et c'est sans peine que je restais au sommet des marches.

- Petit, petit, petit ! Allez encore un effort et vous aurez droit à votre récompense...



Le premier Kankrelat effectua le dernier bond et avant même qu'il ne pose ses pattes sur le rebord il explosa sur place.

- Efficace ce bout de ferraille ! A qui le tour messieurs ? ironisais-je.

Comme s'ils avaient déjà contourné mon plan les Kankrelats se mirent par deux et ce furent deux bestioles qui sautèrent en même temps à ma hauteur. Parant au plus pressé je fis tournoyer mon arme et elle vint percuter le Kankrelat sur son flanc. Celui-ci voltigea dans les airs avant de retomber au sol où il explosa. Le deuxième rougeoyait déjà quand il subit le même sort.

- Et de deux qui font quatre !

Un rapide calcul me fit comprendre que de nouveaux arrivants s'étaient adjoints à l'armada de Xana. Toutefois ce n'était que 4 Kankrelats restant qui attaquaient la montée des marches et ma stratégie fonctionnait à merveille. Je pouvais tenir longtemps comme ça.

Un éclair de lucidité me traversa soudain.

Ces monstres sortaient d'un seul et unique endroit : les scanners. Et leur seul chemin vers moi passait par Jérémie.

- Mais quel idiot !! Je rageais de m'être fait avoir. Des larmes de colère brouillèrent mes yeux au moment où les Kankrelats restant arrivaient à ma hauteur. Un nouveau bruit me parvint aux oreilles. Mes cris avaient couverts leur arrivée et lorsque je me retournais trois dards rougeoyant se reflétèrent dans mes yeux.

 

 

IX

 

Mes yeux embués s'agrandirent d'un coup et les larmes cessèrent nets de couler. Par un réflexe de survie, sûrement acquis de Lyoko, je reculais au moment où les tirs partaient. Une violente douleur irradia mon bras gauche tandis que je tombais à la renverse sous le souffle des 4 explosions conjointes. Il me fallut quelques secondes pour comprendre que les bestioles s'étaient touchées mutuellement. Sauf qu'il en restait encore et non contentes de m'avoir touché elles rechargeaient déjà leurs tirs. Je voulus me relever en prenant appui sur mon bras mais un cri de douleur me fit retomber. Je roulais sur le côté pour éviter un nouveau tir du frôlion restant. Les deux autres Kankrelats étaient arrivés en haut des marches et ils n'allaient pas tarder à faire de moi un souvenir.

J'imaginais déjà ce que l'on dirait « Participait beaucoup... à la bonne ambiance de la classe », ça, ça serait l'appréciation des profs à coup sûr. Et les amis qu'est ce qu'il dirait ? L'image de Jérémie me revint en tête et ma détermination reprit le dessus.

Je pris appui sur la barre toujours dans ma main droite et je me relevais prestement avant de courir à nouveau vers le bout du balcon métallique. Seulement cette fois le frôlion était bien plus rapide et il n'y avait pas moyen de le semer. Le bout de l'usine apparaissait déjà et l'autre me collait toujours aux basques. Quelques tirs s'étaient échoués sur mes pas et me laissait présager qu'une fois à l'arrêt il ne me raterait pas. Même si j'avais le temps de le détruire ça laisserait suffisamment de marge aux Kankrelats pour me rejoindre et faire feu. On était peut être pas sur Lyoko mais j'avais encore le sens de l'équilibre et de l'acro. J'incurvais ma course, m'élançais face au 1er mur, pris appui sur celui-ci et d'un rebond je continuais sur le mur d'angle me retrouvant ainsi face au frôlion. Je commençais déjà à retomber quand je plantais le bout de ferraille dans le sigle du frôlion. Celui-ci explosa instantanément. Les Kankrelats étaient arrivés à ma hauteur et l'un des tirs me frôla le bras droit. La douleur me fit lâcher mon arme et réveilla à nouveau ma rage. Une irrépressible envie d'en finir s'empara de moi et sans réfléchir je courus droit vers les Kankrelats. Sans doute surpris de ma réaction ils ne tirèrent pas et je shootais de toutes mes forces dans le premier qui explosa quelques mètres plus bas. Le deuxième avait déjà repris position et tira une nouvelle salve. J'esquivais aisément et me faufilais derrière une poutrelle. Le coup du shoot était cette fois trop risqué et je n'avais plus d'arme. De plus je distinguais un nouveau frôlion se frayant un chemin vers nous. Le temps pressait d'autant plus que je ne savais pas ce qu'était devenu Jérémie et le moment était mal venu de téléphoner. Le Kankrelat arrivait bientôt à ma hauteur. J'entrepris de contourner la poutrelle verticale et m'accrochais à celle-ci sur la face exposée au vide. Je me laissais glisser afin de ne pas laisser mes mains visibles. La douleur dans mes bras me lançait terriblement mais je serais les dents, bien décidés à en découdre. Le Kankrelat continua sa route et tirant sur mes bras je remontais à hauteur de la plate forme que j'enjambais à nouveau mais cette fois du côté de mon arme que je récupérais. J'étais enfin dos au Kankrelat et le seul bruit qui suivit fut celui-ci de son explosion.

Un frôlion restait en vue et il fallait se dépêcher avant que d'autres ne rappliquent. Je supposais que l'énergie de Xana était tout de même limitée dans sa quête de fabrication plus vraie que nature...

Le frôlion arriva très vite face à moi et l'espace d'un instant je crus qu'il me dévisageait. Je me revis sur la plate-forme, Ulrich prêt à parer les tirs et moi m'élançant vers le rebord.

Il tira, j'esquivais et lançais mon arme, droit dans le sigle. Il explosa et la douleur dans mon bras également. Je retombais sur le sol, exténué.



- Quel idiot !!

Moi qui avait voulu attirer Xana loin de Jérémie je m'étais fais avoir, c'est lui qui m'avait retenu loin de lui, à coup de Kankrelat et de frôlions.

- Imbécile ! m'entendis-je hurler, avant de composer le numéro de Jérémie.

A chaque sonnerie je retenais mon souffle et lorsque sa voix se fit entendre je m'autorisais à respirer.

- Ça va Odd ? s'enquit-il.

- On a vu mieux, on a vu pire, lâché-je pour toute réponse. T'es où ? A l'abri j'espère ?

- Ouais t'inquiète mais faut vraiment que je retourne sur le PC. Quand j'ai compris ce que Xana nous envoyait par les scans je me suis planqué dans l'usine en prenant l'échelle de secours. Je t'ai pas appelé pour pas faire de bruit et pour le moment il m'a pas retrouvé mais d'ici je peux rien faire...d'autant plus que Xana vient de nous filer un sacré coup de main, murmura t'il.

- On a pas la même définition du coup de main je crois, le mien c'est celui d'un ami qui aide un autre ami, tu vois le genre ?

- Odd ?

- Oui Einstein ?

- D'après toi comment Xana a envoyé ses monstres de Lyoko à nous ?

- Je sentais qu'il y avait un piège.

- En les dévirtualisant ? osais-je.

- Pas loin...moi j'appellerais plutôt ça de la matérialisation.

Je mis un petit moment à comprendre et Jérémie eu la décence de me laisser ce temps de réflexion.

- Tu veux dire qu'il a utilisé un programme comme celui que tu cherches ? risquais-je.

- Exactement. Et si je retrouve ce programme je pourrais compléter le mien beaucoup plus vite, conclut-il.

- Voilà de quoi me remettre en forme !

- Je vais descendre aux Scans de là j'aurais qu'à taper sur tout ce qui sort et on pourra tenir longtemps.

- Euh...Odd, je sais pas ce qu'il y a dans les salles. Si ça tombe ça grouille de monstres. T'en as détruit combien ?

- Oh tu me connais j'aime pas donner des chiffres précis, plaisanté-je.

- Menteur tout le monde sait que tu tiens les comptes, répliqua t'il dans un éclat de rire.

- Non sans blaguer j'en ai dégommé une dizaine je pense.

- Je ne pense pas que Xana ait eu le temps d'en refaire beaucoup alors. Non seulement il a du détourner l'énergie pour les créer mais aussi prendre le contrôle du monte-charge.

Tiens c'est vrai ça, je n'avais même pas remarqué qu'ils arrivaient par là...comme si c'était normal que des monstres de 50cm de hauteur et sans mains prenaient l'ascenseur et appuyaient sur le bouton marche. Toujours est-il que le monte-charge était grand ouvert devant moi. J'en déduis qu'on avait un instant de répit.

- On fait comme on a dit Jérémie, je te rejoins et on descend ensemble, trouve toi de quoi te défendre. Je te conseille le morceau de ferraille, modèle pointu si possible, pas trop lourd et maniable, ça va très bien !

Je l'entendis rigoler doucement avant qu'il ne raccroche. Je repris mon arme et me dirigeait vers le fond de l'usine. Le calme m'apaisa un peu et j'en profitais pour récupérer et regarder mes blessures. Le bras droit avait été effleuré mais le bras gauche semblait déjà plus entaillé et plus préoccupant.

- Pfff...un beau t-shirt tout neuf déjà troué...

- Hep t'arrête de te plaindre !

Je sursautais avant que mon cerveau ne comprenne qu'il s'agissait de Jérémie.

- T'es pire que Xana toi quand tu t'y mets ! J'ai réchappé aux bestioles et c'est toi qui va m'avoir pour finir !

- Chuutttt ! Parle pas trop fort, m'ordonna t'il. Excuse pour la frayeur mais c'était trop tentant. Hey, mais ton bras !

Effectivement le bras gauche avait une sale tête et le t-shirt mauve à la base tirait plutôt vers le rouge foncé. Malgré tout valait mieux ne pas inquiéter le petit génie.

- T'en fais pas c'est moins grave que ça en a l'air.

J'essayais d'être rassurant mais vu sa tête ce n'était pas gagné.

- Bon alors disons que sur une échelle de point de vie j'en ai perdu 30.

Menteur, pensé-je aussitôt, c'est plus du 50.

- Allez ne trainons pas ici, dis-je pour mettre fin à cette discussion. T'as trouvé de quoi te défendre ?

Sans mot il me montra une barre de fer équivalente à la mienne. Nous étions armés, parés de courage et prêt à se défendre une fois de plus. L'accès au labo était situé à quelques mètres de là et aucun bruit ne semblait s'en échapper. Je m'approchais prudemment et jetais un coup d'œil par l'ouverture.

- Tu vois quelques chose ?

Je sursautais à nouveau. Avant même que je parle je l'entendis soupirer « désolé ».

Jérémie n'avait jamais été sur Lyoko et habituellement quand quelque chose allait mal il était plutôt du genre nerveux, angoissé mais curieusement il semblait maintenant calme. La fatigue y était sans doute pour quelque chose, on approchait les 36h sans sommeil et la tension accumulée avait tendance à nous user plus que d'accoutumé.

- Je vais regardais un peu plus, tiens toi prêt à déguerpir si y faut.

Accroupi, j'avançais un peu plus vers l'ouverture et y entreprit d'y passer la tête. Rien en vue, pas de bruit suspect. Je me redressais et fit signe à Jérémie d'avancer. Nous allions pouvoir descendre.

 

 

X

 

Je laissais mon bout de fer à Jérémie et commençait à descendre sans bruit par les repose pieds encastrés dans le mur. Malgré la douleur dans les bras j'atteignis rapidement le sol du labo. D'un hochement de tête je fis comprendre à Jérémie de m'envoyer nos moyens de défense respectifs. Je les rattrapais au vol tandis que Jérémie commençait sa descente.

- Bon ça a l'air Ok pour le moment, rien en vue ici. Je vais jeter un coup d'œil à l'accès des scans. Et surveille bien le monte charge des fois qu'il se remettrait en route, ajoutais-je sans hausser la voix.

A nouveau je m'approchais du rebord dont l'ouverture donnait sur la salle des scans. Même manœuvre, même résultat : rien en vue

- On est tranquille pour le moment, dis-je en me relevant.

Mais Jérémie n'écoutait déjà plus, il avait repris place devant l'ordi et pianotait à toute vitesse. Il savait tout comme moi que le temps nous était compté et que l'éventualité d'un arrêt du supercalculateur était plus que jamais d'actualité. J'aurais voulu discuter avec lui, mais mieux valait le laisser tranquille après ses derniers reproches...Je perds toujours la notion du temps dans cette usine mais le silence qui s'installa dura une bonne heure me permettant de récupérer.

- Tu fais quoi ?

Surpris je mis un temps à répondre.

- Je pense.

- Toi ? tu penses maintenant ? répliqua t'il.

Oh ça va je suis pas Sissi quand même ! répondis-je vexé.

- Ouais c'est vrai excuse moi.

Voilà que Jérémie se mettait à faire des blagues, qui plus est pas drôle du tout. Enfin pas vraiment...quoique je souriais intérieurement. Ou plutôt je riais. Décidemment rien ne tournait rond ces dernières 24 heures.

Nouveau silence.

- Jérémie ?

- Hum ?

Non je voulais juste savoir si tu ne dormais pas.

- Je te rassure je tiens le coup et toi ? Ton bras ça va ?

- Ouais même si j'aimerais bien bouger. D'ailleurs tu sais quoi j'ai bien réfléchi, et ne te moque pas une fois de plus, je vais aller colmater les ouvertures de secours vers la salle des scans et le supercalculateur.

- Pas bête !

- Ah tu vois quand même ! J'ai des ressources insoupçonnées...

- Ça tu l'as dis, elles sont bien cachées.

Je le laissais hilare devant son écran et pris le monte-charge en direction de la surface.

- Moques toi, mais en attendant c'est moi qui ait dégommé les premiers envoyés de Xana, répliqué-je.

Les portes se refermèrent et quelques secondes plus tard j'atteignis la dalle de l'usine. Les cadavres de mes victimes jonchaient le sol et j'en tirais une certaine fierté. C'est vrai après tout, je m'étais bien débrouillé !

Je ne mis pas longtemps à trouver ce que j'étais venu chercher. Des plaques de métal, rectangulaires qui obtureraient parfaitement les ouvertures. Une par une je les ramenais au monte-charge assez péniblement vu l'état de mes bras.

- Jérémie ?

- Oui ?

- Y' pas de souci pour le moment ? Rien en vu si je descends aux scans ? interrogé-je

- Non toujours rien l'endroit est désert, me rassura t'il.

Le monte-charge m'amena au deuxième sous-sol. La descente me parut interminable bien qu'elle ne dura que quelque secondes de plus. J'observais l'intérieur du monte-charge me revoyant quelques jours plus tôt : Ulrich à ma droite, Yumi et Jérémie à gauche. Le climat était assez tendu cette fois là...Ulrich et Yumi et leur fierté, un ménage à trois parfois détonnant.

Quand la porte s'ouvrit j'étais encore perdu dans mes pensées et heureusement que la salle était belle et bien vide car je n'aurais rien pu faire. J'extirpais une par une les trois plaques vers le centre de la salle. Il existait un accès vers la salle inférieur mais il était verrouillé par une trappe.

Ouvrir ou ne pas ouvrir telle est la question !

J'étais vraiment pas le pro des actions à long terme. Finalement l'ouverture était ce qui me semblait le plus logique, cela constituerait une échappatoire. En fait si nous passions par là cela signifierait que l'on se repliait vers notre dernière solution... D'un autre côté ça garantissait un nouvel accès aux bestioles....

Dilemme, dilemme !!

En disant cela j'ouvris la trappe et le supercalculateur apparut vu d'en haut.

Dire qu'ils sont tous les trois là dedans, murmurais-je.

Je contemplais la colonne de silice mais je ne la voyais pas. Devant mes yeux se dessinaient mes trois amis sur Lyoko, à Kadic... Je sortis de ma torpeur, un sourire sur les lèvres.

Les plaques ne serviraient pas à grand-chose vu que la trappe était plutôt une écoutille. Pas moyen d'y glisser convenablement mes morceaux de métal. Finalement je déverrouillais simplement la valve et laissais la trappe refermée. Je mis en place le treuil qui permettait la descente et repris le chemin du labo non sans un regard pour les scans.

- Me revoilà Einstein ! clamais-je en sortant mes plaques du monte-charge.

Son siège pivota vers moi et tandis qu'il ouvrait la bouche je le coupais.

- Oh non Jérémie je connais ce regard là !

- Il va recommencer Odd, avoua t'il. Les variations d'énergie sont...

- J'men fous, aide moi à mettre les plaques alors !! Allez dépêche-toi !! hurlais-je.

- Non mais tu comprends pas ou quoi !! s'énerva-t-il.

Surpris, choqué...je n'aurais pas su dire mais toujours est-il que je n'en menais pas large.

- C'est finit Odd, on a échoué, j'ai échoué ! Le programme est pas fini est j'ai même pas retrouvé toutes les données d'Aelita. Sans savoir si il n'en manque pas et si le programme marche et si...

- Et si tu te calmais pour commencer ? répliquais-je.

Jérémie 1 - Odd 1.

- Tu crois que j'en ai pas marre aussi ? Que j'ai pas envie de dormir ? Que ça m'amuse de voir mon bras saigner et de sentir la douleur s'intensifier dès que je traine une de ces fichues plaques ? Mais on n'a pas le choix ! Cette fois y'a pas de retour dans le passé pour rectifier ce qui n'a pas été. Le seul retour dans le passé c'est toi.

- Arrête j'ai jamais dit ça.

Je sentais sa voix s'étrangler, il cherchait ses mots.

- D'après toi pourquoi Xana n'a pas attaqué tout de suite après la première vague ? Ça te rappelle rien le fait d'accumuler de l'énergie ?

- Et tu veux faire quoi Jérémie ?

Je posais mes mots et plantais mon regard dans le sien.

- Tu veux fuir le labo ? Aller cherche les flics ? Quoique vu ce qu'on va leur dire on devrait peut-être aller voir les stups d'abord ça les intéresserait de savoir ce qu'on a...

- Tais toi !! Arrête de tout prendre à la légère comme ça ! hurla-t-il. Tu crois que ça me réjouit de te dire tout ça ? J'aurais préféré te dire que j'avais fini que tout était ok, qu'ils allaient tous rentrer que ce soir on mangerait tous ensemble et qu'après j'irais discuter toute la nuit avec Aelita. Mais au lieu de ça je sais pas, je sais plus quoi faire...

Sa voix s'estompait et ses yeux brillaient désormais. Un picotement aux yeux me fit comprendre que j'en étais au même stade. Nous nous regardâmes tous les deux et les secondes qui suivirent me semblèrent une éternité. Je le vis finalement se lever. Il passa à mes côtés sans un regard et je l'entendis rentrer dans le monte-charge. Il partait vraiment. J'entendis ses doigts taper sur le boitier et la porte se referma. Je m'effondrais sur les genoux et fermais les yeux.

- Alors ces plaques tu m'aides ou quoi ?

 

 

XI

 

Je pris une profonde inspiration et me relevais. Jérémie repassait à côté de moi trainant une plaque vers l'ouverture. J'en fis autant et bientôt les 3 plaques obstruaient l'ouverture. Seul un infime trou permettait un regard vers la salle.

- Et maintenant ? osais-je.

- J'allais te poser la même question.

- Tu sais bien que je ne pense pas moi.

Il esquissa un sourire

- Excuse-moi Odd. Pour tout, depuis le début j'ai franchement pas été à la hauteur alors que toi...enfin c'est pas mon fort les excuses mais heureusement que t'as été là.

- Je le suis toujours j'te signale ! Va falloir arrêter ces pensées pessimistes mon cher !

Il sourit à nouveau et reprit un air sérieux qui signifiait « bon alors on fait quoi ? ».

- Et si on débranchait les scans ? Xana pourrait plus matérialiser ? Hé, Hé, t'as vu ça je pense bien des fois !

- L'idée est bonne mais je sais pas ce qui arrivera aux autres si on débranche les scans...j'ai peur de faciliter la perte des données. Je connais pas encore assez bien la structure des scans pour savoir comment ils fonctionnent. Pour peu qu'ils aient une mémoire propre les débrancher ferait courir le risque de ...

- Ok ok c'est bon j'ai compris n'en dis pas plus.

- Aller voir des gens de l'extérieur c'est impossible d'une on ne nous croirait pas, et de deux on interdirait l'accès et ça en serait finit pour de bon.

- Donc en gros on ne peut que rester et se battre ? conclus-je.

- Oui. Je viens de bloquer le monte-charge, enfin j'en ai repris le contrôle et je peux le bloquer à ma guise, ça peut toujours servir. Résuma Jérémie.

- On tient le siège c'est ça ?

- Oui, aussi longtemps que possible.

Il retourna s'asseoir au PC et se remis à taper pour quelques minutes, comme si il ne s'était rien passé.

Je pris place au niveau des plaques métalliques et m'allongeant je scrutais la pièce par l'étroite ouverture que nous avions laissé. Il ne fallut pas longtemps pour que le bruit caractéristique des scans se fasse entendre.

- On a de la compagnie !

Les trois scans s'ouvrirent et trois Kankrelats en sortirent pour se réunir au centre. 30 secondes plus tard ce fut trois autres et progressivement la salle prit des allures de fourmilière. Etrangement il stationnait là.

- Dix-sept, dix-huit, dix-neuf,...

- Tu fais quoi ?

- Je, vingt, compte, vingt deux...

- T'as oublié vingt et un.

- Mais euh ! C'est ta faute ! Je peux tout recommencer maintenant.

Comme prévu les frôlions s'invitèrent à la fête. Je rapprochais encore les plaques craignant que les volants viennent à ma rencontre. Finalement l'idée que je me trouvais derrière ces plaques ne les effleura pas et leur vol se fit stationnaire me rappelant la double rangée de Lyoko. Reprenant mes comptes j'en arrivais à 30 Kankrelats et moitié moins de frôlions. Une belle armée grouillante vue d'en haut. Dans notre malheur nous avions un peu de chance : la taille des scans empêchait l'arrivée sur terre de Mégatank et autres Krabes et Blocks. Je me retournais vers Jérémie qui bien que concentré avait légèrement pâli.

- Ça va être tes premières bestioles, pas vrai ?

- Ça se voit tant que ça ? ironisa t'il.

- De toute façon pour le moment elles sont réunies en bas et ça fait plutôt meeting !

- Ouais et après le meeting y'a le buffet ! dit-il

Il rigola nerveusement et laissa échapper un profond soupir.

- Alala qu'est ce que je donnerais pas pour manger ! Tes idées de buffet là...j'aurais du prévoir avant de venir. En plus on risque de louper le souper aussi...non mais qu'est ce qu'on ferait pas pour ses amis !

- Hey ! Ça y'est il se réveille, il tente d'appeler le monte-charge.

Je me tus aussitôt. La tension était monté d'un cran, tant dans la pièce que dans sa voix. La première bataille allait se jouer entre lui et Xana.

Je filais à l'ouverture.

- Ça bouge là-dessous...remarqué-je.

En effet les troupes se dirigeaient vers le monte-charge qui s'emplissait à vue d'œil. Bientôt trop serrés, les Kankrelats commencèrent un deuxième étage s'escaladant les uns les autres. Les frôlions remplissait le vide restant de la cabine. Un instant j'envisageais d'aller couper les câbles du monte-charge pour qu'il aille s'écraser au fond avec son chargement...infaisable malheureusement.

- C'est bon Jérémie on a fait le plein, glissais-je à l'intention du ti' génie.

Heureusement pour nous les portes ne se refermaient pas et je pus observer le tas instable que formaient les bestioles. Chaque seconde un Kankrelat se cassait la figure et remontait sur un autre.

- Ton programme fonctionne ?

- Oui, oui il a l'air, mais je ne sais pas combien de temps. Xana ne mettre pas longtemps à contourner la sécurité que j'ai mise en place. En attendant c'est autant de temps de gagner pour que j'avance.

Je le vis sortir plusieurs CD qu'il s'empressa de graver et de ranger aussitôt dans son sac...je n'essayais même plus de comprendre, je lui faisais confiance.

La musique qui me parvint à ce moment n'avait rien de mélodieux, même plutôt stridente, métallique. Il me fallut un court instant pour comprendre qu'elle provenait de mon portable. Et un instant de plus pour voir que je n'étais pas le seul à l'avoir entendu.

- Non pas ça ! Tout sauf ça !

Mon cri ressemblait plutôt à une plainte désespérée. Je crois que c'est le mot qui convient.

Je coupais le portable dont le rappel s'était déclenché. Rappel pour ne pas oublier d'aller voir Émilie...c'est une fille qui aura ma perte, je l'ai toujours su !

- Ils ont entendu ? s'inquiéta Jérémie tout en sortant un nouveau CD.

Je jetais un œil avant de le retirer précipitamment.

- Oula, ça, ça fait peur ! dis-je tout en reculant, le cœur battant.

- T'avais jamais vu un frôlion d'aussi prêt ?

- Un si, mais 10 non !

Un essaim s'était regroupé prêt de l'ouverture, dardant les plaques de métal. Lorsque le 1er tir résonna je compris à quel point nous étions mal barrés.

- Faut faire quelque chose là Einstein ! T'as pas une illumination de génie ?

Je le vis entortiller nerveusement ses doigts, retirer ses lunettes, les remettre et je sus que pour l'illumination faudrait repasser.

- On s'est fait piéger à nouveau Odd, murmura t'il impuissant.

 

 

XII

 

Le 1er tir de laser fit tressauter les plaques métalliques et ce n'était qu'une question de temps pour soit les faires sauter pour de bon soit les déplacer progressivement et agrandir l'ouverture. De l'autre côté une cargaison de Kankrelat dans un monte-charge bloqué.

- Faut s'enfuir Jérémie et vite !

- Non, non pas encore Odd, je touche au but je le sais ! J'ai finis le programme et les données d'Aelita sont presque là je le sais, je peux pas la laisser en plan comme ça. Il suffit que je la ramène sur terre pour que...

- Pour que quoi Jérémie ? Si elle réapparait ce sera dans les scanners autant dire dans la gueule du loup. Si on reste là dans 2 minutes on est tous les deux grillés au laser de Frôlions et c'est pas une partie de plaisir, crois moi j'ai essayé.

Comme pour donner du poids à ma phrase une plaque tressauta à nouveau et se déplaça un peu plus, agrandissant l'ouverture que je m'empressais de refermer.

- Laisse-moi encore 5 minutes Odd, je t'en supplie. Si tu veux vas t'en devant je te rejoindrais.

Je ne pus m'empêcher de rire.

- Tu me prends pour qui là ?

Au-lieu de détaler j'acquiesçais de la tête et remis les plaques de métal à leur place alors qu'un nouveau tir s'abattit dessus. Elles chauffaient déjà et je ne les voyais pas tenir encore longtemps. La 1ère plaque céda vite et fut littéralement tranchée en deux.

Mais qu'est ce que je foutais là franchement. J'étais qu'un collégien après tout, et aucune formation pour sauver le monde.

L'énième salve de tir fut l'élément déclencheur. Ils avaient sans doute réussi à concentrer leur tir et à se regrouper au maximum. Après tout j'en sais rien, l'essentiel et que je vis la deuxième plaque céder et je sus qu'en un tir bien placé la dernière s'effondrerait ou alors aurait tellement de recul que je ne pourrais pas la garder en place.

- On file Jérémie et pas de négociations cette fois.

- Ok mais tu pars devant, il te faudra plus de temps que moi pour monter l'échelle vu l'état de ton bras. Et cette fois c'est toi qui ne discutes pas.

Le temps était de toute façon trop précieux pour être dilapidé en discussions stériles.

Jérémie prit ma place et j'entrepris de monter l'escalier qui menait au corridor ayant pris soin de placer nos éternels barres de fer dans le sac de Jérémie aux côtés du portable.

En effet la montée ne m'épargna pas quelques cris étouffés tant la douleur m'élançait. Je parvins néanmoins en haut. Jérémie me jeta un regard et l'instant d'après il s'élançait à son tour vers les marchepieds. La plaque tint bon jusqu'au milieu de l'escalier.

- Accélère !! hurlais-je à plein poumon.

Jérémie avait entendu la plaque dégager et le vol des frôlions qui s'engouffraient dans le labo. Heureusement leur nombre élevé les empêchait de tous pénétrer dans la salle et la plupart restèrent bloqués. Ils eurent visiblement beaucoup de mal à comprendre qu'ils ne passeraient qu'un à la fois. Mais Xana apprend vite et le 1er tir s'abattit à droite de Jérémie qui atteignait le haut de l'échelle. Voyant derrière lui la nuée de Frôlion se diriger droit vers nous je décidais de presser les choses et me saisis du bras de Jérémie tirant de toutes mes forces.

- Aaaahhh !

Nous avions crié en même temps. Mon bras me faisait souffrir au plus haut point et Jérémie s'était fait toucher au mollet tandis que je le tractais de force. Il s'était retrouvé propulsé sur moi et il fallait maintenant déguerpir en vitesse, l'espace étant suffisamment large pour un vol de Frôlions.

Je fis passer Jérémie devant, sa jambe le ralentissant considérablement. Au bout la porte du corridor semblait notre seule chance. Un premier coup sur la tôle me fit comprendre qu'un Frôlion était à nos trousses et il ne fallut pas longtemps avant que le 1er tir ne se fasse entendre et échoue derrière moi.

- Plus vite ou on est foutu ! criais-je essouflé.

- Je fais ce que je peux, maugréa Jérémie dont le mollet me semblait bien abîmé.

Tout en courant je passais ma main dans le dos et me saisis d'un des bouts de ferraille que j'avais fourré dans le sac. La porte était toute proche et tandis que Jérémie s'affairait à l'ouvrir je me retournais vers le Frôlion, laissant Jérémie à quelques mètres hors de portée des tirs.

- C'est le boulot d'Ulrich ça normalement, pensais-je tout haut.

Le premier tir parti et je déviais sur la gauche. Le second ne se fit pas attendre et vint frapper par hasard la barre de fer à proximité de ma main. Je sentis la chaleur du tir jusque dans mes doigts.

- C'est bon c'est ouvert ! cria à Jérémie.

Je parais un dernier tir convenablement et franchit les derniers mètres tandis qu'une nouvelle salve partit. Jérémie referma derrière moi et j'entendis les tirs s'échouer sur cette barrière métallique qui nous protégeait désormais.

Nous nous effondrâmes côte à côte, dos à la porte, reprenant notre respiration difficilement.

- Ta jambe ça va ? questionnais-je.

- Comme ton bras je suppose.

Autrement dit j'ai mal mais je supporterais, parce que de toute façon j'ai pas le choix.

Nous avions échappé aux premiers mais d'ici peu l'endroit grouillerait de Kankrelats...

Le besoin de dormir était de plus en plus fort et je sentis mes yeux se fermer doucement. Ma dernière pensée fut pour les parents de Yumi qui devaient s'inquiéter. Pas de réponse sur le portable, et Hiroki avait surement balancé ce qu'il savait...nous étions donc devenus les élèves les plus recherchés de France. Je souris à cette pensée et laissais mes yeux se fermer. Tant pis pour les Kankrelats...j'en pouvais plus.

 

 

XIII

 

Le clapotis des touches et quelques bips sonores eurent raison de mon sommeil léger. J'ouvris enfin les yeux et découvris Jérémie penché sur son portable, tapant inlassablement des séries de codes et enchainant avec les divers CD gravés dans le laboratoire.

Je m'étirais, laissant échapper une plainte sourde. Je grimaçais en sentant également les douleurs se réveiller.

- J'ai dormi longtemps ?

- Non une petite heure tout au plus, me répondit-il sans quitter l'écran des yeux.

- On est toujours en vie ?

- Ouais j'ai toujours le contrôle du monte-charge pour finir. Enfin je l'avais parce que d'ici quelques minutes ça sera du passé.

Je ne relevais pas cette phrase...pas envie de penser à ça tout de suite.

- Mais comment tu fais pour ne pas tomber de sommeil ?

A cette question il tourna la tête et me répondit dans un sourire malicieux.

- Question d'habitude !

- Ouais, tu parles, moi aussi je m'habituerais vite si j'ai ma princesse au bout de l'écran !

Oups j'avais gaffé. La preuve en est qu'il se retourna vers moi mais cette fois-ci le sourire était mélancolique. Une autre fois il aurait rougi et aurait bégayé en s'adressant à moi. M'excuser n'aurait fait qu'enfoncer le couteau dans la plaie.

- Bon alors t'as avancé sur ton portable ? dis-je histoire de changer de sujet.

- Oui le programme est quasi-terminé mais par contre il faut que je retourne au labo à tout prix pour finaliser la récupération des données d'Aelita...d'ici c'est impossible.

Un silence envahit la salle désaffectée de l'usine et il dut lire dans mon regard que je ne voyais pas trop comment accéder à sa demande. Je coupais court à toute réaction.

- Récapitulons : par le monte-charge toutes les salles seront surement accessibles aux bestioles dans quelques instants. Par les escaliers de secours seule la salle du supercalculateur est encore bloquée. En gros avec beaucoup de chance on tiendra 2 minutes devant le PC avant de se faire griller et là, on aura tout perdu.

- On va déjà commencer par voir ce qu'il y a derrière cette porte, proposa t'il.

Il fallut quelques secondes pour rassembler nos affaires et j'entrepris d'entrouvrir la porte. Je distinguais le corridor par le petit interstice mais pas de monstres volants en vue.

- Ça m'a l'air bon...pour le moment, chuchotais-je. Je vais voir jusqu'au bout attend moi là.

Sans faire de bruit je remontais le couloir jusqu'à l'ouverture sur le haut du labo. Jusque là aucun bruit suspect ne m'était parvenu, pas de bruit d'ailes... Je risquais un œil dans le labo. Ils étaient encore là. Dix Frôlions voletant tranquillement à ras du sol. Le monte-charge était quand à lui absent. Je reculais mais heurtais involontairement la paroi avec mon bout de ferraille toujours présent dans ma main droite. Je n'ai même pas cherché à savoir si ce bruit était passé inaperçu, j'ai couru. Et en refermant la porte je vis les tirs partir dans ma direction.

- Bon je crois que de ce côté c'est mort, ironisais-je en reprenant mon souffle.

- Faut qu'on bouge d'ici et vite !

Ça y'est Jérémie le paniqué était de retour.

- Ça sert à rien on est coincé c'est évident. De toute façon il bloque l'accès au labo, lâchais-je dépité.

- Alors faut refaire diversion...

Le ton de sa voix ne présageait rien de bon. Surtout qu'il était le seul capable de se servir du PC donc faire diversion supposait qu'Odd allait rejouer à l'appât. Sauf que cette fois ça me rappelait un peu les requins qu'une goute de sang attire sur des kilomètres à la ronde. Alors là vu l'état de mes bras j'imaginais pas ce que j'allais rameuter.

- Explique toujours dis-je en expirant bruyamment.

- Tu vas dans la grande salle et moi je laisse Xana reprendre le contrôle du monte-charge pour de bon. T'en rameutes le plus possible...

- Qu'est ce que je disais, marmonnais-je

- Je continue...Une fois que t'en as un paquet tu reviens ici et tu fermes la porte derrière toi. Pendant ce temps je rends le monte charge inutilisable.

- Et toi t'auras déjà filé dans le labo en espérant que Xana aura tout lancé à mes trousses, c'est ça ?

Il hocha la tête. J'étais trop fatigué pour discuter du plan. Le souvenir de mon oreiller me semblait lointain mais j'avais presque l'impression de sentir le moelleux de ma couette... Jérémie dut lire dans mes pensées puisqu'il les coupa.

- Bientôt Odd, bientôt ça sera fini.

- Je te préviens quand je suis en place, lui lancais-je de loin.

Je grimpais les escaliers métalliques et atterris très vite dans la salle cathédrale. Aucun bruit ne me parvint, pas l'ombre d'un Kankrelat sautillant sur la dalle de béton. Seulement leurs carcasses éparses, souvenirs de notre première rencontre de la journée. Je décidais de remonter sur la plate-forme. Il me fallait une planque, d'où je puisse les surveiller, attendre qu'ils soient regroupés et finalement rebrousser chemin. J'en trouvais une, à l'extérieur de l'usine. Debout sur le rebord d'une vitre crasse je voyais nettement le monte-charge. Je bipais Jérémie et une minute plus tard la porte du monte-charge s'ouvrit. J'eus l'impression d'être au ski où les télécabines régurgitent les vacanciers par paquets avant que chacun ne prennent une direction. C'était exactement ça. La salle fut bientôt envahie de Kankrelats tandis que dans les airs voltigeaient les Frôlions. Aucune ne me vit. Je rentrais à nouveau dans l'usine rampant de mon mieux. Les bestioles inspectaient au ras du sol. Par chance aucune n'allait vers le corridor. Je rampais jusqu'au rebord et osait un regard en contrebas. Ils s'étaient réunis en paquet à l'autre bout, c'était donc le moment. Je me relevais et me jetais vers la corde qui me faisait face. Mon intrusion fut aussitôt remarquée et je fis demi-tour prêt à détaler. Je crois que c'est à ce moment que je compris ce que signifiait une mauvaise surprise. Quand je vis Jérémie courir dans ma direction une meute de frôlion aux trousses.

- J'aurais du les compter, murmurais-je.

 

 

XIV

 

L'espace d'un instant je fus perdu restant figé sur place.

- Dans le monte-charge vite !

Sa voix stridente me fit prendre pied dans la réalité et je m'engouffrais aussitôt dans le monte-charge. Jérémie me suivit de près et se précipita sur le boitier. Les cliquetis des Kankrelats se fit si intense que je regardais à nouveau vers l'extérieur. Je vis le tir partir dans sa direction et dans un réflexe je plongeais sur Jérémie l'éjectant contre la paroi du monte-charge. Le tir échoua sur le boitier qui explosa immédiatement sous l'impact.

- Non !!! c'est pas vr...

Aucun de nous deux ne put terminer sa phrase sous la secousse qui suivit. Le monte-charge s'ébranla avant de plonger droit vers les sous-sols sans même que la porte ne soit refermé.

- Accroche-toi !!!

Je fus projeté dans les airs lorsque le monte-charge ralentit subitement. Je me retrouvais plaqué au sol, Jérémie à mes côtés. Un craquement se fit entendre et nous chutâmes à nouveau. Je vis la porte des scans défiler devant mes yeux et je compris que cette fois l'arrêt final serait au pied de Xana. Mais il semblait vouloir prolonger notre jeu et le monte-charge s'arrêta à nouveau violemment. Je ne comptais plus les coups que j'avais. Jérémie était blanc et il s'en fallut de peu pour qu'il ne s'évanouisse pas. Le monte-charge stoppa à la moitié du dernier sous-sol.

- Faut bouger Jérémie, articulais-je en douleur.

Je le vis glisser dans l'ouverture et s'affaler sur le sol du supercalculateur sortit de son compartiment. Je le suivais de peu et à mon tour je m'effondrais face au supercalculateur.

Ils étaient là, tous les trois, perdus dans ses circuits. Et ni moi ni Jérémie n'étions de taille pour lutter. Je ramenais mes genoux à ma poitrine et enfouit ma tête dans mes bras laissant couler ce qui me restait de larmes.

Les sanglots à mes côtés en disant long sur l'état de Jérémie. Je me sentais défaillir à nouveau. Je me saisis de mon portable et tandis que Jérémie relevait la tête j'articulais péniblement :

- Aidez nous s'il vous plaît, on est coincé dans l'ancienne usine désaffectée, on est collégien à Kadic, vous nous trouverez au sous-sol.

Je coupais la communication et regardait Jérémie.

Le bruit du monte-charge nous sortit de notre torpeur. Il remontait faire le plein.

L'effarement s'empara de nos visages et la même idée nous traversa l'esprit. Nos regards se portèrent vers l'ordinateur quantique, seule responsable de notre situation désastreuse. A ce moment je compris à quel jeu dangereux nous avions joué...et perdu. Ce que nous prenions avec tant de sérieux n'en restait pas moins un jeu interdit dont le secret du supercalculateur aurait du à lui seul nous mettre en garde. Tout, sauf un jeu d'enfants.

Le regard fixé sur la tour j'essayais de deviner ce qu'était à présent mes amis, s'ils avaient la moindre idée de ce que nous vivions à l'instant et s'ils savaient ce qu'il nous restait à faire.

La trappe s'était déjà ouverte et je vis la manette apparaître à son tour.

- Non ! criais-je. Non, on peut pas faire ça, Jérémie, on peut pas !

- Tu sais ce que ça veut dire...

- C'est injuste j'aurais du tomber avec eux, j'aurais du être aussi dévirtualisé, je veux pas rester ici et me reprocher le reste de ma vie de ne pas avoir réussi, je préfère à mon tour perdre ici dans cette salle. J'aurais au moins l'impression d'avoir fait quelque chose et de m'être rapproché un peu d'eux.

- Tu pourras vivre avec ça Jérémie ?

- ...non...

Il se rassit dos au supercalculateur. J'avais l'impression d'être libéré, d'avoir les idées claires.

- Si on tient assez longtemps...on aura peut-être une chance glissais-je.

- Non tu sais très bien ce qu'il va y avoir quand la porte va s'ouvrir. Ils ne vont même pas sortir, juste tirer.

J'entendis le monte-charge se remettre en route et en même temps les sirènes des pompiers qui devaient arriver sur le pont. Un éclair de lucidité me traversa à ce son.

- Jérémie t'es le seule capable de les ramener, et je peux pas t'obliger à suivre mon choix.

- Non, non, non....articula Jérémie en hochant la tête. Je vois où tu veux en venir et il est hors de...

- Écoute-moi s'il te plaît. Les secours sont là, quand Xana va voir ça il va se retourner vers eux et nous on sera sauvé. Il faut juste que l'on gagne du temps...mets toi à l'abri et laisse moi rester devant. Si ça marche tu pourras les ramener, je le sais, tu peux tout faire.

- Hors de question, on a tenu à deux jusque maintenant. On en finira à deux aussi, ajouta t'il en se plaçant debout à mes côtés.

Le monte-charge était arrivé à destination et la porte s'ouvrit.

Je souris en voyant cette armée de bestiole. Je tendis mon bras en avant et dans un sourire je lâchais quelques mots

- Flèche laser...

Mais rien ne partit. Xana avait tout de même attendu mon dernier mot avant de tirer. Je me mis en boule n'essayant même pas de parer quoique ce soit.

La douleur m'envahit de tous côtés de même que les cris de Jérémie résonnèrent dans la salle. Sous le choc nous perdîmes tous deux l'équilibre jetant nos bras en arrière pour nous rattraper. Ma main rencontra la sienne et tandis qu'une deuxième salve partis je croisais son regard empli de larmes. L'impression de ralenti fut si intense que je sentis mes yeux s'agrandir au contact de l'ordinateur et de la main de Jérémie. Nos deux mains glissèrent ensemble le long du supercalculateur à la recherche d'une aspérité ralentissant notre chute. Elles en trouvèrent une qui se plia sous la pression.

Comme dans un miroir je vis son visage se transformait en même temps que le mien. Nos têtes cogèrent contre l'ordinateur quantique sur lequel vinrent s'abattre les derniers tirs provoquant des gerbes d'étincelle. Les bestioles se figèrent. Je me retournais vers Jérémie. La douleur était intense mais je voulais en avoir le cœur net. Nos deux regards convergèrent vers l'aspérité que nos mains avaient rencontrée dans notre chute. La manette. Nous l'avions abaissé. Le peu de force qui nous restait nous abandonnèrent à ce moment.

 

 

EPILOGUE

 

Cela fait 3 ans aujourd'hui que la manette est abaissée.

Les semaines qui suivirent cette journée sont parmi les plus floues de ma vie. J'ai l'impression de les avoir traversées sans jamais y prêter attention. Notre guérison prit du temps, d'autant plus que je n'avais aucune volonté de guérir. Bien évidemment les gens défilèrent devant nous. Inspecteurs, médecins, psychologues, chercheurs, militaires, politiciens plus ou moins connus etc. Ce n'est qu'en sortant de l'hôpital que je compris le secret qui entourait notre histoire. Pour tous nous n'étions que deux collégiens tombés dans une usine alors qu'ils y jouaient. Un certain nombre de réponse à nos questions sur l'origine du supercalculateur furent élucidés. Si quelques mois plus tôt elles nous auraient paru essentielles ces informations m'étaient désormais totalement indifférentes. La question d'Ulrich et Yumi fut vite abordée et je pense que c'est à ce moment là que je changeais mon comportement. L'incident avait fait de moi un adolescent réservé, mais à l'évocation du sort de mes amis je devins renfermé et nourrit une rancœur sans pareil pour ces personnes responsables de ce mensonge. Mes amis étaient morts noyés et leurs corps n'avaient pas pu être retrouvés. Raconter notre histoire des centaines de fois, changer la version selon la personne face à nous nous était devenu une habitude. Il nous aurait été facile de raconter la vérité, de nous lancer dans des explications précises et détaillées mais nous savions que personne d'extérieur au projet ne nous croirait. Il nous avait été aussi répété que cette version trafiquée serait plus facile à accepter par les parents. Je n'étais pas dupe et je savais qu'on exerçait sur nous une pression visant à nous culpabiliser un peu et de ce fait nous étions tout disposés à mentir pensant ainsi se repentir de nos erreurs. Mais avec ou sans eux la culpabilité était réelle, je savais qu'ils en profitaient mais de penser l'espace d'un instant que mentir aux parents leur faciliterait le deuil m'aidait moi aussi à me sentir un peu mieux...sur le moment. Je savais que tôt ou tard je ne me supporterais plus.

Cela n'avait rien de facile de se remémorer les événements, comme si mes cauchemars fréquents ne suffisaient pas à cela. Mais ce ne fut rien comparer à notre rencontre avec les parents de Yumi et d'Ulrich. Soutenir leur regard et leur mentir éperdument dépassaient mes capacités et je me souviens m'être effondré en pleurs devant eux. Jérémie semblait avoir plus de facilité. Il en savait aussi plus que moi. Sa facilité à contrôler Xana semblait intéresser en plus haut lieu. En effet le projet avait bien était abandonné il y a plusieurs années et son réveil passa inaperçu. Mais le contrôle qu'avait réussi à exercer 4 collégiens suscita bien des convoitises et nouvelles idées. Les nombreux interrogatoires à ce sujet me confirmèrent très vite cette impression. Je sus que la dernière attaque avait sérieusement endommagé l'ordinateur et qu'il était hors d'usage mais je soupçonnais une volonté supérieure de le remettre en état.

Ce fut Jérémie qui me le confirma. Nous passions le plus clair de notre temps ensemble. Chacun rappelant à l'autre que nous n'étions pas seul. Chacun se souvenant que nos deux mains s'étaient posées sur la manette et que nous n'avions pas à endosser seuls la responsabilité.

Notre retour à Kadic fut lui aussi mouvementé. Je crus défaillir dès le 1er jour lorsque je vis dans quel état se trouvait Sissi. Anéantie est sûrement le mot qui convenait. J'eus pitié d'elle et pensais avec regret aux méchancetés que je lui avais jeté. Jérémie et moi restions en permanence ensemble. Les autres hésitaient à nous adresser la parole. Le mystère qui nous entourait allait bon train et les rumeurs également.

Je ne devais jamais m'habituer à ça et c'est avec soulagement que je quittais Kadic en fin de troisième. Jérémie resta. Aussi proche que nous étions, la présence de l'autre était un inlassable rappel. Il suffisait que nos regards se croisent pour que les souvenirs affluent. Bien sûr ces années furent également parsemées de fous rires, de bons moments mais une part de moi avait changé. Une partie qui ne supportait pas ce qu'elle avait fait. J'ai toujours pensé qu'en abaissant la manette je n'avais pas fait que condamner mes amis, j'avais également tué une partie de moi-même. Le Odd joyeux, extraverti avait disparu. Si nos missions nous avait fait mûrir je sus aussi que je devins adulte à 14 ans, dans ce sous-sol d'usine. Et je n'aimais pas ce Odd, ses mensonges me donnaient l'impression de participer un peu plus à l'oubli de mes amis.

Mes contacts avec Jérémie ne cessèrent jamais, nous nous voyons souvent. Si l'éloignement était une bonne chose, pouvoir reparler des événements est aussi nécessaire. Mais je constatais avec effarement qu'à part pour nous deux, mes amis étaient vite tombés dans l'oubli. Le fait d'avoir menti à leur parent m'insupportait de plus en plus. Je voulus leur dire la vérité mais je savais que les pressions exercées en haut lieu m'en empêcheraient. Rien ne disait que ses parents me croiraient. Il fallait que je trouve un moyen plus efficace de leur rendre hommage, de ne pas les oublier.

Lors d'une promenade matinale aux abords de Kadic je me suis retrouvée projeté 3 ans en arrière lors de mon incursion chez Yumi. Les gens que j'avais observés alors dans la rue étaient toujours là. A la fois différents de par leur identité et semblables de par leur savoir limité de ce qui s'était passé pendant deux ans, de leur vie que nous avions sauvé. Oui sauvé. Mes amis et moi-même avions sauvé ces gens et bien d'autres et rien n'existait pour faire connaître aux gens ce que nous faisions. Bien sur tout raconter restait impossible. Mais je sentais monter en moi l'inspiration. Je voulais rendre hommage à mes amis, à nos exploits, nos sacrifices, notre vie de collégien. Ils méritaient autant de respect qu'un soldat de guerre, qu'un bénévole de la Croix-Rouge, ils méritaient que les gens se souviennent d'eux pour ce qu'ils étaient vraiment et pas pour avoir joué comme deux enfants irresponsables près d'une rivière. Irresponsable. J'avais entendu ce mot dans la bouche d'un adulte les jours suivants l'incident. J'avais eu envie de hurler. Les gens devaient connaître mes amis pour ce qu'ils étaient vraiment.

Je me mis à écrire. Si au début cela ressembla à un journal intime cela pris vite la forme d'une histoire. Je couchais sur papier nos rencontres, nos 1ères missions. La réalité telle qu'elle était.

Pourtant je n'osais jamais aller donner ça à leurs parents. Puis peu à peu je pris de l'assurance. Je n'allais pas jusqu'à raconter la vérité autour de moi mais je devins plus sûr de moi, parler de mes amis autour de moi était un moyen de les faire revivre quelque peu. Et c'est en septembre dernier que j'ai poussé la porte de cette société, soutenu par Jérémie. J'étais sûr de moi cette fois. J'allais enfin faire quelque chose de bien pour eux. J'ai demandé à voir un responsable et devant ma détermination on accéda à ma demande. Quand je ressortis des bureaux de la boite je venais d'en convaincre les dirigeants de mettre en chantier un dessin animé reprenant les aventures de mes amis et moi-même.

Code Lyoko est un succès.

J'eus le courage de rencontrer les parents de Yumi et Ulrich au sujet du dessin animé mais je leur mentis encore une fois et leur expliquais que tout était tiré de notre imaginaire, des jeux que l'on s'inventait à l'époque ensemble. Un simple jeu d'enfants. Un nouveau mensonge. De même que si les épisodes se basaient sur les missions que nous avions effectuées j'arrivais vite à la dernière mission. Je choisis de ne pas la narrer, même avec une fin heureuse. Cette sensation d'inachevée m'a longtemps habité de même que j'ai toujours cette impression d'échouer.

Jérémie vient d'avoir son bac et nous savons tous deux qu'elle en est la signification. Dès la rentrée prochaine il intégrera une équipe de recherche assurant sa formation et s'assurant de ses connaissances sur Xana. Je sais qu'il va le réparer, le rallumer. Je sais qu'il a toujours ses CD et son portable. Mais aucun de nous deux ne sait ce qu'il trouvera et espérer est un luxe que je ne veux pas me permettre.

C'est cela qui m'a enfin décidé. Jérémie n'a pas abandonné l'idée de les revoir. S'il s'agit avant tout d'un travail de recherche je connais son but. Il ne s'est pas donné tant de mal toutes ses années pour aller se balader sur Lyoko. Je me devais de ne pas les abandonner à mon tour.

J'ai pris la plume à nouveau et j'ai écrit. Si vous voulez le début, regardez les épisodes déjà parus. Ils sont l'exacte représentation de ce que fut notre vie de collégien. Mais la fin est toute autre. La réalité, la vérité telle que je l'ai vécu, vous venez de la lire.

Ces quelques pages constituent ce que j'ai de plus précieux au monde : les derniers souvenirs de mes amis. Avec l'aide de Jérémie j'ai choisi de les rendre public sur le réseau, pour que chacun puisse savoir ce qui s'est passé et le diffuser à sa guise. Peut-être prendrez-vous ça comme une fin alternative au dessin animé. Peut-être trouverez vous que cette histoire n'est...qu'une histoire qu'elle vous plaise ou non. Mais peut-être vous direz vous que c'est ce qu'il s'est passé. Que Jérémie et Odd n'ont pas réussi à sauver leurs amis. Que sur Lyoko lorsque ma flèche a loupé Ulrich j'ai décidé du sort de mes amis. Je n'ai pas réussi à les sauver, peut-être réussirais-je à les faire vivre à travers vous.

 

 

Fin

Par Guiyom

 

 

 
 

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