[Site] Vainqueurs Concours Fanfiction Hiver 2012
 
 Découvre ici les trois fanfictions des vainqueurs du concours d'écriture co-organisé entre Moonscoop et CodeLyoko.fr lors du dernier trimestre 2012, avant le retour de Code Lyoko Evolution.
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Les 3 vainqueurs se sont vus offrir un poster.

[Vainqueur de la Catégorie Romance : Mara Schaeffer] [Vainqueur de la Catégorie Action : Rémi B.] [Vainqueur de la Catégorie Quotidien : Icer]
 
 


Vainqueur de la Catégorie Romance : Mara Schaeffer
 
Ensemble


Elle détourna les yeux pour les poser sur le sol, la gêne l'empêchant de soutenir son regard. Elle sentait la chaleur teindre ses joues de rouge, l'humiliant davantage. Quelle idiote elle faisait ! Elle réagissait comme une gamine, pas comme l'adolescente forte et mature qu'elle prétendait être !

Comme si c'était la première fois. La première fois que l'un d'eux prononçait sans y penser des paroles au double sens compromettant, qu'ils trébuchaient malencontreusement l'un vers l'autre. Que leurs corps se touchaient par mégarde, que leurs regards se croisaient au mauvais moment, qu'un sourire les faisait rougir, qu'ils ne savaient plus quoi dire. Que leurs mains se frôlaient.

Et pourtant, elles firent bien plus que se frôler, lorsqu'elle sentit des doigts hésitants caresser les siens, avant de les enserrer dans une tendre étreinte. Elle sentit son rougissement s'accentuer et son cœur s'affoler, signe qu'elle perdait le contrôle de son habituel sang-froid.

Mais rien de comparable cependant, à ce qu'elle ressentit lorsqu'enfin elle se risqua à lever les yeux, sachant pourtant que si leurs regards se croisaient maintenant, elle ne serait plus capable de les séparer. Plus capable de feindre, de s'échapper.

Et c'est exactement ce qui arriva.

Ses yeux bruns se plongèrent dans les siens, plus sombres encore, et il réaffirma sa prise sur sa main, pour lui demander de ne pas l'abandonner, pas maintenant. Pas alors qu'ils pouvaient enfin être seuls. Être francs.

Elle pouvait voir à ses joues aussi rouges que les siennes, à son regard fuyant, à ses gestes malhabiles, et dans le sourire timide qu'il lui dédia, qu'il était à peu près aussi angoissé qu'elle à propos de ce qui allait se passer. Si jamais quelque chose, enfin, arrivait.

Elle lui répondit par un autre sourire, voulant le rassurer sur ce qui la terrifiait elle-même. Il le lui rendit. Et ça lui suffisait.

Leurs mains se serrèrent dans une poignée plus intime mais également plus ferme, au fur et à mesure que leurs visages se rapprochaient, jusqu'à ce qu'elle sente son souffle se mélanger au sien. Ils restèrent à cette hauteur plusieurs secondes sans jamais séparer ni leurs mains, ni leurs regards, se jaugeant, se défiant, peut-être. Attendant de voir qui ferait le prochain pas.

Elle fut incapable de le savoir. Si elle s'était penchée ou si lui s'était avancé vers elle. Tout ce qu'elle savait, c'est que quelque chose de doux et mouillé s'était posé sur ses lèvres, et qu'il s'agissait sans doute de la sensation la plus agréable qu'elle ait jamais sentie.

Elle ferma instinctivement les yeux lorsque la pression se fit plus forte, et se laissa réellement aller lorsqu'elle sentit un bras fin mais puissant enlacer sa taille et la tirer doucement en avant, l'invitant à se rapprocher de lui, ce qu'elle fit bien volontiers. Elle passa elle-même la main dans les cheveux de son partenaire, et entrouvrit la bouche.

Mais ce fut tout. Rien de plus qu'un contact malhabile entre les lèvres de deux adolescents inexpérimentés. Mais il s'agissait déjà en soi d'un pas considérable en avant. Une étape qu'elle ne croyait plus pouvoir passer avec lui. La sensation qu'elle avait ressenti lorsque leurs bouches s'étaient touchées, leurs mains jointes, leurs corps s'appuyant doucement l'un sur l'autre...

Cela ne dura pas plus de cinq secondes, mais lorsqu'ils se séparèrent et qu'elle ouvrit à nouveau les yeux, elle put lire dans les siens qu'il en avait profité autant qu'elle. Et qu'il voulait plus.

Mais ils ne pouvaient pas. Pas maintenant, pas encore. Pas tant qu'ils n'avaient pas mis les choses au clair. Il le savait aussi bien qu'elle.

Ils devaient le dire, une bonne fois pour toute.

- Je...
- Yumi...

Ils sursautèrent en chœur, et se séparèrent instinctivement, cherchant nerveusement des yeux la source de ce bruit soudain. Il leur fallut plusieurs secondes pour se rendre compte de l'endroit où ils se trouvaient (à savoir, au gymnase, plus précisément assis sur le carrelage froid du vestiaire des filles), et qu'il ne s'agissait que du portable de Yumi, dans la sacoche qu'elle avait délaissée derrière elle durant l'attaque. L'adolescente s'en saisit d'un geste vif et maladroit, encore bouleversée par l'enchaînement des faits, et jeta un œil à l'écran du téléphone, se demandant qui avait eu l'audace de les interrompre ainsi : Jérémie.

Elle posa à nouveau son regard sur lui, et s'excusa d'une moue, sachant qu'elle ne pouvait pas ignorer cet appel après avoir failli mourir (encore). Il lui répondit d'un haussement d'épaules, et détourna les yeux, mal à l'aise.

Ce soudain manque d'intérêt la dérangea. Avait-il déjà changé d'avis ?

Lasse, elle finit tout de même par décrocher, et tenta de ne pas laisser sa voix trahir son mécontentement.

- Allô...
- Ah, Yumi !! Enfin. Comme tu ne décrochais pas, j'ai crus que... J'étais sur le point d'appeler... Ça va ?
- Ça va, Jérémie. On est ensemble et on n'est pas blessés.

Ensemble.

- Tu es sûre ?
- Oui, ne t'inquiète pas.

Ils étaient ensemble.

- Tant mieux. De notre côté ça va aussi, la tour a été désactivée avec succès.
- On avait remarqué...
- Puisque tout le monde va bien, j'imagine qu'on peut « passer à autre chose ».

Physiquement. Ils étaient ensemble. Dans la même pièce. Côte à côte.

- Oui, je ne pense pas qu'on ait besoin de retour vers le passé, je... ? s'interrompit-elle, sentant une pression sur son épaule.

Et sentimentalement ? Qu'étaient-ils ?

- Passe le moi.

Cet ordre soudain la surprit, suffisamment pour qu'elle ignore les appels de Jérémie, qui, voyant qu'elle n'avait pas pu finir sa phrase et ne répondait plus, commençait à s'inquiéter de nouveau.

Sûr de lui, il sourit à nouveau, et tendit la main en direction de l'appareil, réitérant silencieusement sa demande. Il avait l'air de bien meilleure humeur que quelques secondes auparavant, semblant s'être libéré d'un poids, ou avoir pris une décision. Après un instant de doute, elle lui tendit machinalement son téléphone, et patienta.

- Allô ?
- Yumi ?
- Non, c'est moi.
- Ah ! Je commençais à me demander ce qui vous était arrivé. Ça va ?
- On ne peut mieux. En fait, je ne me suis jamais senti aussi bien. – Yumi ne put s'empêcher de rougir, ce qui n'eut pour résultat que d'agrandir son sourire. Il reprit cependant très vite son sérieux, sentant l'incompréhension totale du blond. – Jérémie, c'est à propos du Retour vers le Passé. J'ai surpris une discussion entre le Proviseur et Jim juste avant de rejoindre Yumi, et à mon avis, ils en savent trop. Leurs doutes vont finir par aboutir à quelque chose, et ce quelque chose, c'est le labo.
- Je vois. Ce ne serait rien que la, quoi, cinquième, sixième fois ?
- On ne peut pas prendre de risque.
- Oui, mieux vaut éviter toute intrusion tant qu'on le peut. Retour vers le Passé dans moins de deux minutes. Préparez-vous, je préviens les autres.
- Compris.

Sans laisser le temps à Yumi de protester, il raccrocha, et lui rendit son bien. Elle le serra entre ses mains une seconde, ne sachant pas trop quoi dire, avant de se risquer.

- Alors, on « retourne », finalement ?
- Oui, c'est plus sûr.
- Je vois.

Il y eut un silence tendu. Bien qu'il ne dura qu'une demi-minute, il leur sembla éternel.

Yumi soupira. Elle aurait dû s'y attendre. Retour à la case départ.

- Qu'est-ce qu'il se passe ?

Et il osait le lui demander, en plus.

- Rien.

Il insista, évidemment.

- Yumi, qu'est-ce qu'il y a ?

Elle sut tut un instant, hésitante. Au point où elle en était...

- On retourne vers le passé.
- Oui.
- Pour sauver des vies, éviter des problèmes. Effacer ce qui est arrivé. Oublier les événements passés. Comme si de rien n'était.

Il ne lui répondit pas. Et elle, vraiment lasse, cette fois, se redressa, pour se lever. Elle ne tenait pas tant que ça à ce que le Retour l'attrape dans cette position, au sol, et dans une situation si misérable.

Mais une main, puissante, mais avec suffisamment de douceur pour ne pas la blesser, la retint, et l'attira de nouveau au sol. Elle essaya de ne pas croiser son regard mais n'y arriva pas. Il ne sourit pas, ne fit aucun geste, ne dit pas un mot, mais son regard profond parlait pour lui.

« Moi, je ne vais pas oublier. »

Et elle lui sourit.

Ensemble. Pas seulement physiquement. C'était bien plus encore.

Et lorsqu'il l'attira à lui, et passa ses bras autour de ses épaules, elle ne résista pas, et posa sa tête contre son torse. Enfin.

- Prête pour le Retour vers le Passé, Yumi ?
- Oui.

Elle était prête pour n'importe quoi, maintenant.


ººº


Ils continuèrent à marcher pendant encore quelques mètres, dans un silence pesant qui frisait le ridicule.

Tant d'attente pour cela ?

Ils s'arrêtèrent d'un même mouvement, et se jetèrent un regard désolé et plein d'espoir à la fois, attendant chacun que l'autre ne se décide. Ce qui n'arriva pas.
Elle soupira. Génial.

Pourquoi avait-elle dû tomber amoureuse d'un garçon aussi fermé qu'elle ?

Une sonnerie leur indiqua que les cours étaient finis pour les plus petits (les leurs ayant finis en avance aujourd'hui), et la cour se remplit soudainement d'une multitude de gamins se réjouissant de leur liberté nouvelle (Ô ! Saint weekend).

Ils savaient pourtant tous deux parfaitement que leurs amis (libres de cours également) ne les rejoindraient pas pour autant. Jérémie était trop occupé avec son SuperOrdinateur d'amour, et sa dulcinée devait l'accompagner (et sinon, tant pis, cela ne ferait qu'une autre dispute entre le couple non avoué). William était puni, et Odd, sûrement en train de courir les filles. En bref, rien de nouveau.

Ou presque.

Il y avait bien quelque chose de neuf. Quelques chose d'inattendu (ou plutôt de fichtrement attendu et espéré), quelque chose qu'elle désirait depuis neuf jours.
Neuf jours, c'était la date de la dernière attaque qu'ils avaient dû contrer, et où elle et son « ami » avaient failli perdre la vie dans des conditions ma foi fort désagréables, chose devenue assez habituelle depuis deux ans de lutte.

C'était également la date de « ça ».

Elle ne savait pas encore quel nom lui donner.

« Le premier pas » ? « L'aveu » ? « L'Incident des vestiaires » ? « Halleluja » ?

« Le baiser » sonnait trop évident, et y penser lui donnait des frissons.

« Ensemble », sans doute, était le plus approprié.

Et en plus d'une semaine, ils n'avaient pas eu un moment pour eux. Ils étaient toujours accompagnés, et lorsque l'un d'eux tentait une feinte pour s'éloigner et permettre au deuxième de le rejoindre, quelqu'un de joyeux, innocent et exalté se proposait toujours pour l'accompagner, et ne comprenait jamais (ou ignorait) les sous-entendus pour l'en dissuader. Dans la plupart des cas, il s'agissait d'Odd, ou de Sissi (l'envoyer paître était tout de même plus simple), même si Aelita pouvait également plaider coupable.

L'après-midi, inutile d'en parler. Yumi avait plusieurs examens à préparer, et Ulrich avait commencé les siens le jour même où elle avait fini. Le destin avait visiblement attendu patiemment qu'ils ne fassent le premier pas pour mieux les séparer. Un vrai comique, ce destin.

Cela faisait plus d'une semaine, donc, que Yumi attendait avec impatience d'être seule à seul avec son « meilleur ami » afin de mettre enfin les choses au point. Et dans son regard et son attitude ces derniers jours, elle savait qu'il voulait la même chose.

Alors pourquoi, POURQUOI, maintenant qu'ils avaient enfin le temps et l'occasion de s'éloigner du monde, et de ne vivre un instant que pour eux, est-ce qu'aucun d'eux n'avait la moindre idée de quoi dire ?

Elle en avait prévu des scénarios. Des dialogues, des monologues, des questions, des réponses. Elle aurait dû savoir, par expérience, que rien ne se passait jamais comme on l'espérait ; mais le stupide espoir de contrôler la situation l'avait gagnée, et elle n'avait pas su y résister.

Ils échangèrent quelques paroles sans intérêt, supposées libérer la tension accumulée, ce qui ne servit à rien. Ils étaient un cas perdu, ils l'avaient toujours été. Pourquoi insistaient-ils ? Ils étaient incapables d'être heureux ensemble.

Son expression, lorsqu'elle lui annonça qu'elle devait partir, lui fit mal, mais elle ne se laissa pas abattre. Qui sait, peut-être qu'ils y arriveraient demain ; demain, bien sûr.
Et elle partit.

Ou plutôt, failli partir. Une main la prit par le bras et la tira doucement en arrière, d'une façon semblable à celle qui l'avait fait, neuf jours plus tôt. Elle ne put empêcher son cœur de battre à nouveau la chamade, et se retourna vivement, pleine d'un nouvel espoir, fiévreuse presque, et ouvrit la bouche pour parler.

Fiévreuses, c'était la sensation que donnaient également les lèvres qui emprisonnèrent les siennes, l'empêchant de se plaindre, de rétorquer, de répondre.

Elle n'essaya pas vraiment.

C'était suffisamment bon pour qu'elle se taise. Mais pas assez pour qu'elle oublie une heure de silence et deux longues années de non-dits. C'est donc consciemment qu'elle s'en sépara lentement mais sûrement, ne laissant entre leurs visages que la distance suffisante pour le décider à parler, et pour lui permettre à elle de s'éloigner s'il essayait à nouveau.
Mesure de sécurité inutile, me direz-vous. Il était bien trop occupé à se maudire pour son attitude si stupide. Qu'est-ce qu'il lui avait pris ?!

- Désolé... Je... n'aurais pas dû faire ça.

Elle ne lui répondit pas, et attendit, patiente. Ce qu'il prit comme un mauvais, très mauvais signe.

- Je... enfin... Je ne voulais pas, enfin si, je voulais mais... Pas comme ça. Je suppose que je n'aurais pas dû... désolé. répéta-t-il. Je comprends si tu m'en veux, et...
- Je n'ai pas essayé de t'en empêcher.

Il se tut à son tour, soudain éclairé par cette vérité, à laquelle il n'avait même pas réfléchi, trop angoissé par la réaction de sa compagne.

Elle fit une moue amusée, tant le changement entre son air timide vers une stupeur révélatrice lui semblait drôle. Si elle avait pu, elle l'aurait pris en photo.

Il y eut un autre moment de silence, moins tendu, où ils échangèrent des regards et sourires entendus.

- Désolé quand même. J'aurais pu mieux m'y prendre.
- Sans doute, oui.
- C'est que, ça fait plus d'une semaine que j'y pense, je n'ai pas pu m'en empêcher.

Il pouvait accepter que cela l'amuse, mais pas au point d'éclater de rire comme s'il n'était pas là. Son sourire laissa place à un geste renfrogné, alors qu'il lâchait son bras.

- Oh, ne te fâche pas. Je plaisante. C'est juste très drôle, la façon dont tu as dit ça. Ça donne l'image du garçon désespéré à l'idée de passer un quart d'heure avec la super cheerleader du lycée.
- Tu vois trop de films américains.

Même si cela y ressemblait un peu. Sauf que Yumi valait mille pom-pom-girls (surtout en tenant compte que Sissi avait finalement rejoint leurs rangs).

Il finit par sourire aussi, posa sur elle son regard sombre, et fut accueilli par le sien, noir. Leur cas n'était pas si perdu que cela, tout compte fait.

Ils se rapprochèrent à nouveau, d'une façon assez subtile, chacun cherchant à ne pas brusquer l'autre. Leurs bras se rencontrèrent à nouveau ; pour se séparer ensuite, et entrelacer doucement leurs corps.

Ils voulaient la même chose, ça, il en était sûr. Mais il savait également, que rien de tout cela ne serait complet, s'il ne prononçait pas les mots qui lui brûlaient les lèvres depuis deux longues années. S'il ne mettait pas un point final à cette relation pseudo-amicale, ils allaient tous les deux le regretter, longtemps, très longtemps, des années, qui sait.

Le regard tendre de sa belle lui donna le courage pour enfin se lancer, et se rapprochant un peu plus d'elle, il se décida à parler.

- Yumi... Par rapport à l'autre jour, je voulais te dire...

Si Xana ne tuait pas Jérémie très rapidement, c'était lui qui s'en chargerait.

Même Yumi, bien éduquée, laissa échapper un juron (enfin, il supposait que c'était un juron. Son japonais ne s'était pas vraiment amélioré, mais il savait reconnaître un ton insultant quand il en entendait un).

Trop attelé au code de tout bon Lyokô-Guerrier, il libéra une de ses mains pour se saisir de son portable, et l'ouvrit avec une mauvaise humeur non feinte. Et ne fut pas spécialement surpris.

- Xana.

Les deux adolescents soupirèrent en chœur, et échangèrent des excuses silencieuses. Ils savaient tous deux que ce genre d'urgence ne pouvait pas attendre, et se dire les choses ainsi tout en courant pour lutter contre une entité malfaisante était tout sauf une déclaration idéale.

Ils se le diraient, plus tard. Ou menaceraient Jérémie pour qu'il les renvoie de ses doigts magiques à cet instant précis, au pied des arbres du petit bois, où ils avaient été sur le point d'être enfin vraiment ensemble.

Et ensuite, ils le tortureraient sans pitié jusqu'à ce qu'il ne se déclare à Aelita, et tout le monde serait enfin heureux (Odd et William étaient bien assez grands pour se débrouiller tout seuls).

C'est donc ainsi qu'ils coururent en direction des égouts, prêts à se battre sans relâche contre leur ennemi de toujours. Ensemble.


ººº


Elle se laissa tomber sur sa couche, les yeux grands ouverts, les jambes serrées, et se demanda comment elle était arrivée là. C'était comme si elle s'était évanouie et venait de se réveiller, quelques heures plus tard. Et elle se sentait mal.

Elle jeta un coup d'œil à la pièce, et eut besoin de plusieurs minutes pour reconnaître sa chambre. Elle perçu aussi les voix inquiètes de ses parents, chuchotant à quelques pas de sa porte. Et eut l'étrange sensation que l'on parlait d'elle. Qu'avait-elle fait, cette fois ?

Elle avait du mal à reprendre ses esprits, mais tenta tout de même de calmer sa respiration, alors qu'elle tenait contre son cœur son coussin, voulant se tranquilliser.

Elle ne pouvait pas. Les larmes n'avaient pas encore séché. Elle les sentait encore dévaler le long de ses joues, pour tomber au fond de la mer, cette eau meurtrière, qui l'avait trahie.

Ils y avaient tant de fois échappé. Elle, la première, y avait survécu de nombreuses fois. Y avait succombé un jour, mais avait été sauvée par le maladroit Odd et le sacrifice d'Aelita.
Elle sentait toujours le contact de sa main dans la sienne. Et celui de la pierre, s'effritant entre ses doigts.

Elle ne pouvait pas accuser Jérémie. Il avait eu ses propres problèmes, et avait dû quitter l'Ordinateur en pleine bataille.

Ni ne pouvait s'en prendre à Aelita. Elle avait fait de son mieux pour les aider. Et avait cru, jusqu'au bout, qu'ils s'en étaient sortis tous les deux.

Tout s'était passé si vite. Aelita avait atteint la Tour, et l'avait désactivée. William, qui s'était fait dévirtualiser, avait dû accompagner Jérémie. Elle ignorait où se trouvait Odd ; peut-être était-il également hors-jeu.

Tout ce qu'elle savait, c'est qu'il avait été touché, et que le choc l'avait envoyé jusqu'à la limite de la falaise. Il avait tenté de maintenir son équilibre, mais lorsqu'un second rayon l'atteignit, il ne put rien faire d'autre. Elle, si.

Elle ne s'expliquait pas comment elle avait pu le rattraper en aussi peu de temps, avec son pouvoir inutilisable et sans véhicule ni armes. Ni comment elle avait pu saisir sa main d'un côté et le rebord de la roche de l'autre en plein saut. L'amour, sans doute.

Elle se souvenait de larmes de rage se déversant sur sa peau, alors qu'elle s'efforçait de ne pas lâcher prise, entraînée vers le bas par le poids de son compagnon. Ses paroles, lorsqu'il lui avait conseillé de le lâcher, disant que tomber tous deux était inutile. Qu'il ne lui en voudrait pas.

Mais elle, elle s'en voudrait. Ou que croyait-il ? Qu'elle pourrait se regarder encore dans une glace, supporter son propre reflet, en sachant qu'elle avait abandonné celui qu'elle aimait ?
Elle se rappelait de la Mer Numérique. Attendant juste qu'ils ne tombent pour les accueillir.

Elle avait perçu un cri de peur d'Aelita, qui venait de sortir de la Tour. Le bruit de battements d'ailes indiquait qu'elle venait vers eux, pour les sortir de là, enfin. Le son d'un laser, aussi, la percutant en plein vol, la faisant tomber au sol. Les pas d'un Krabe, désireux de l'achever. Personne ne l'avait vu venir. Ils avaient pourtant nettoyé le terrain.

Elle avait réaffirmé sa prise autour de sa main, lorsqu'elle avait senti ses doigts glisser lentement entre les siens. Ce geste n'avait eu pour seul résultat que lui faire perdre un peu plus son appui sur la roche. Elle sentait l'énervement d'Ulrich, sous elle, se maudissant. Il ne pouvait rien faire sans craindre qu'elle ne tombe, ni l'attaquer dans cette position.

Le Krabe ne prit même pas la peine de les approcher, alors que l'elfe se débattait encore entre ses pattes. Les dévirtualiser à ce stade serait inutile ; attendre qu'ils finissent à la Mer serait beaucoup plus gratifiant.

Et finalement, cela arriva. Elle n'en pouvait plus. Et savait que c'était inutile. Elle ferma les yeux une seconde, et lorsqu'elle les ouvrit à nouveau, elle tombait aux côtés de son samouraï, alors qu'un cri de désespoir résonnait dans tout le territoire. Un bruit de laser lui indiqua que son amie s'était faite dévirtualiser. Et elle ne s'inquiéta plus pour rien.

Ce n'était peut-être pas une aussi mauvaise mort. Elle allait partir avec lui, en fin de compte. Dévirtualisés pour l'éternité, voyageant ensemble dans les méandres du Net. Rien ne pourrait plus les séparer, désormais.

Deux mains se posèrent sur ses épaules, et la retournèrent en plein vol. Tout ne dura que quelques secondes, et pourtant, elle savait qu'elle ne l'oublierait jamais.

Son samouraï lui faisait face, désolé. Il ne voulait pas cela ; elle ne le méritait pas. Elle essaya de lui sourire, pour lui prouver que ce n'était rien ; tout irait bien. Parce qu'ils étaient ensemble.
Elle sentit ses lèvres, sur les siennes, pour la troisième fois. Le contact, sur le monde virtuel, était distant et proche à la fois, doux et électrisant. Ce n'était pas désagréable.

Ils se séparèrent, lentement, et se sourirent. Et finalement, après deux ans d'attente, il le lui dit.

- Je t'aime, Yumi.

Ce furent ses dernières paroles, avant qu'une lame ne transperce brutalement son corps de part en part. Elle ne savait même pas d'où il l'avait sortie, croyait qu'il n'avait plus d'arme.

La dernière chose dont elle se souvenait, fut deux portes s'ouvrant devant ses yeux, et une lumière aveuglante. Elle s'était écroulée au sol, et deux bras avaient tenté de la soutenir.
Mais ce n'étaient pas ses bras. Ils étaient trop près. Et il ne pouvait pas s'attaquer lui-même.

Son amie avait tenté de la redresser, et la questionnait, paniquée. Des voix masculines, au niveau supérieur, les avaient appelées, leur demandant ce qui se passait. Mais elle ne répondit pas. Elle ne dit rien, ni à elle, ni à eux, et se contenta de fermer les yeux, alors que quelques larmes coulaient à nouveau librement.

Il ne lui avait même pas laissé le temps de lui dire « je t'aime ».

...

Elle n'avait aucune idée de ce qui s'était passé ensuite. Si Jérémie l'avait cherché sur le Net ou non, quelle conversation ils avaient eu. Qui avait été le premier du groupe à l'accompagner dans ses pleurs ; le premier à baisser les bras. Elle ignorait même comment elle était retournée chez elle, si elle avait mangé ou non, ni combien de temps avait passé depuis.

Tout ce qu'elle savait, c'est qu'il l'aimait, qu'il était parti, et qu'il l'avait laissée seule, de nouveau. Et qu'elle l'aimait toujours. Ou plus.

Elle resserra sa prise sur son coussin noyé de larmes, et baissa la tête, son corps pris de soubresauts. Elle ne pouvait pas encore accepter que c'était fini. Il devait y avoir un moyen. Jérémie avait su la sauver, elle. Le cas était différent, mais la situation la même. Ils ne pouvaient pas l'abandonner...

Pas comme lui venait de l'abandonner, elle. Pas comme lui venait de lui ouvrir son cœur, pour briser le sien en mille morceaux l'instant suivant. C'était injuste, et cruel.

Et elle pensa, à cet instant, qu'elle aurait encore préféré mourir avec lui, que vivre sans lui.


ººº


- C'est impossible... Juste impossible.

Elle entendait à peine la voix du jeune scientifique, alors que le sang avait atteint ses joues, son visage, et son corps entier, et qu'elle sentait une intense chaleur la gagner. Elle avait encore du mal à croire ce qu'elle voyait, que c'était réel.

Il lui sourit, doucement, patient, attendant qu'elle se fasse à l'idée. Qu'elle y croie.

- C'est impossible, complètement impossible... Ne t'approche pas de lui, Yumi !

Elle fit un pas maladroit en arrière. Seule au milieu du Cinquième Territoire, seulement en compagnie de Jérémie, derrière son écran. Et de lui, bien sûr.

Et dire qu'elle avait failli rejeter cette mission. La première en un mois.

La première, donc, depuis que lui, était parti. Elle ne s'était plus montrée capable de lutter à leurs côtés, de vivre cette double vie, alors qu'eux s'occupaient de faire croire au monde qu'Ulrich avait simplement disparu, faute de corps à montrer. Ils avaient eu bien du mal à créer quelque chose que les autorités avaleraient, et elle, de son côté, était restée à part. Ils avaient essayé de l'expliquer aux autres en disant qu'elle était juste atteinte par sa disparition ; Odd avait même prononcé le mot « petite amie ». Elle ne s'en préoccupait pas tellement, en fin de compte. Plus rien ne lui importait vraiment.

Ils avaient continué à lutter contre Xana, et avaient tenté de l'animer à reprendre le combat. Se venger de la perte d'Ulrich. Mais ça n'avait aucun sens. Cela ne le ferait pas revenir. Et elle n'en avait plus la force.

Ses amis, sa famille, ses professeurs, plus personne ne la reconnaissait. L'adolescente mature et forte avait disparu pour laisser place à un pantin sans émotion qui semblait vivre comme un automate, suivant une routine sans saveur.

Aelita fut la première à leur ordonner qu'ils la laissent tranquille. Elle essayait toujours de la consoler, se sentant en partie coupable de ne pas avoir pu intervenir. Tous se sentaient mal pour ne pas avoir pu agir, sans compter la perte d'un ami cher, mais aucun ne pouvait comprendre comment elle, elle se sentait. L'envoyer à un psychologue n'avait servi à rien, bien que ses parents insistent ; elle ne pouvait définitivement pas lui raconter comment celui qu'elle aimait s'était sacrifié pour la sauver alors qu'ils luttaient contre une entité virtuelle voulant conquérir la Terre. Et même si elle avait pu, cela n'aurait rien changé.

La voix de Jérémie la rappela à la réalité.

- C'est impossible. Les données, l'ADN, tout est exactement comme avant ! C'est...

Il ne réussit pas à finir sa phrase, mais elle le devinait sans grande peine.

Il l'avait présenté comme une urgence. L'ordinateur avait détecté ce matin une activité anormale sur le Cinquième Territoire, et il avait besoin qu'ils aillent faire une inspection. Tous avaient donné leur accord, mais au final, rien ne s'était passé comme prévu. Un court-circuit à l'école avait obligé William à y rester ; Aelita avait dû partir avec les Subdigitals le matin même pour un essai, et bien qu'elle ait assuré venir dans l'après-midi, un souci électrique l'empêchait de prendre la route, et les musiciens refusaient de la laisser rentrer à pied sur une aussi longue distance ; quant à Odd, il était resté bloqué dans un ascenseur quelque part en ville juste après l'appel de Jérémie. Tant d'incidents électriques n'avaient fait qu'alerter un peu plus le blond, qui avait dû se retourner vers sa dernière carte : Yumi.

Elle avait était plus que réticente, mais à force de la supplier, elle avait accepté de reprendre les armes au moins pour cette journée. Elle avait plongé sur Lyokô (sur la Banquise, au moins ce n'était pas le même territoire), puis avait gagné Carthage.

Et elle l'avait trouvé, là, devant elle, souriant. Il l'avait salué avec bonne humeur, et s'était approché, semblant plus qu'heureux de la voir. Mais elle avait reculé.

Quelque chose n'allait pas. Elle l'avait vu tomber, avec elle, vers la Mer Numérique. Elle avait était dévirtualisée avant qu'il ne l'atteigne, mais les recherches de Jérémie prouvaient qu'il avait disparu dans le réseau. Cela ne pouvait pas être lui.

Sans compter que quelque chose, dans sa façon de parler, de lui sourire, ne collait pas. Il agissait comme si il ne l'avait pas vue depuis des semaines, oui, mais pas comme si la raison de cette séparation était une mort atroce. On aurait dit qu'il revenait de vacances.

Mais les paroles de Jérémie résonnèrent dans son esprit, alors qu'elle continuait à le dévisager. Tout était correct chez lui. Le costume, les armes, l'ADN, les données. Tout.

C'était lui.

- Ulrich... ?

L'adolescent lui sourit à nouveau, et fit un pas vers elle. Voyant qu'elle ne reculait plus il continua, jusqu'à arriver à deux mètres d'elle. Et il lui parla enfin, d'une voix si douce, si chaleureuse. Aimante.

- Tu m'as manqué, Yumi.

Les doutes de Jérémie ne lui importaient déjà plus. Ses propres doutes, son malheur, ses pleurs, et le fait qu'elle croyait encore l'avoir perdu pour toujours quelques secondes auparavant, tout fut balayé par ces cinq mots, prononcés d'un ton si tendre.

Ignorant les conseils du blond, elle se jeta dans ses bras, et laissa quelques larmes, de bonheur cette fois, s'échapper, alors qu'elle sentait les bras du brun se refermer autour d'elle. Il la soutint ainsi pendant plusieurs minutes, caressant son dos, ses cheveux, tentant de tranquilliser la jeune fille, qui, après plus d'un mois, se laissait enfin aller.

Lorsqu'ils se séparèrent, vinrent les explications. Ulrich se souvenait de l'incident, mais à partir du moment où Yumi avait lâché la falaise, tout n'était que très vague. Il ne se souvenait plus vraiment de ses derniers instants, ni de ce qui était arrivé dans la Mer Numérique. La dernière chose dont il se souvenait, c'était d'être seul sur Carthage. Il avait appelé plusieurs fois ses amis à l'aide, et avait essayé de quitter la salle pour tenter de rejoindre la Tour du Cinquième Territoire (tout ceci expliquait l'activité suspecte détectée), mais rien n'y avait fait. Son passage dans le réseau l'avait rendu non seulement amnésique, mais également indévirtualisable : il se trouvait dans le même état qu'Aelita auparavant.

Alors que Jérémie bossait pour tenter de calibrer le Code Terre sur lui, Yumi et Ulrich passèrent un moment ensemble. Bien qu'il ne se souvienne pas de leurs derniers instants, ses sentiments n'avaient pas changé, et c'était tout ce qui comptait.

- Yumi...
- Oui ? fit l'adolescente, la tête appuyée contre son épaule.
- Qu'est-ce que fabrique Jérémie, exactement ?
- Il va utiliser le Code Terre sur toi ; ne t'inquiète pas. Dès qu'il aura fini, on gagnera une tour, et tu reviendras avec nous. – Elle se tut un instant. – Avec moi.
- Oui... avec toi. – Il lui sourit. – Mais où, exactement ?
- Eh bien, sur Terre. – Elle fronça les sourcils. – À la maison.
- Oh... Mais Jérémie va venir, lui, non ?
- Mais bien sûr que non, enfin. Il ne vient jamais sur le terrain.
- Mais enfin, il DOIT venir. Et les autres aussi !
- Pourquoi le feraient-ils ?

Il se rétracta légèrement, recula. La japonaise releva la tête, et chercha son regard.

- Qu'est-ce qu'il y a ?
- Vous ne restez pas avec moi ?
- Si bien sûr... Jusqu'à ce que tu puisses partir aussi.
- Mais, c'est impossible. Je ne peux pas partir !
- Ulrich, calme-toi... C'est seulement temporaire... Tout va s'arranger.
- Mais enfin... Il m'a dit que tu resterais ici, avec moi.
- Quoi ? – la guerrière recula elle-même d'un pas, pour mieux le regarder – Qui t'a dit ça ? Jérémie ?
- Xana.

Yumi se tut, incapable de répondre. Il essaya de la reprendre dans ses bras, mais elle lui échappa, et recula de deux mètres, sans cesser de le regarder.

- Ulrich... Qu'est-ce qu'IL t'a fait ?
- Rien ! C'est pour notre bien.
- Quoi...
- Il a dit que vous deviez tous venir sur Lyokô, et qu'on serait heureux. Qu'il ne voulait plus la guerre, qu'on pourrait rester ici pour toujours, sans plus nous préoccuper de ce qu'il se passerait dehors. – Après une seconde, il afficha une mine peinée, alors que le ton de sa voix diminuait. – Il a dit qu'on pourrait rester ensemble...

Il y eut un long silence, emplit de regards distants, certains choqués, et d'autres, emplis d'une tristesse touchante. L'adolescente se sentit coupable lorsqu'elle perçut la tristesse et l'émotion d'un Ulrich se sentant abandonné. Elle ressentit l'envie, le besoin, de se rapprocher, de le tenir dans ses bras, de le consoler, et de lui promettre de toujours rester avec lui, qu'ils ne le laisseraient jamais tomber. Qu'ils resteraient sur Lyokô s'il le fallait. Parce qu'elle l'aimait.

Et elle se rendit compte de combien cette arme était dangereuse.

Elle recula de plusieurs pas, sûre d'elle, désormais.

- Yumi...
- Non. Tu n'es pas lui. Tu ne l'as jamais été.

Elle le savait maintenant. Xana avait pu regrouper les données perdues dans le réseau pour redonner vie à Ulrich ; mais ce n'était plus le même.

- Bien sûr que c'est moi !
- Tu es Ulrich. Mais pas MON Ulrich.

Il ouvrit de grands yeux, choqué. Comme s'il venait de comprendre.

- Yumi...
- Jérémie !

Il venait de comprendre qu'elle ne l'aimait pas. Pas lui.

- Jérémie, vite ! Xana l'a manipulé !

Il l'observa s'éloigner de lui, cherchant à sortir de la salle. Impossible. Lui avait déjà essayé.

Sa mâchoire se serra, alors qu'il toisait celle qu'il aimait et qui le fuyait, désormais. Et il sut que c'était inutile.

- Il m'a dit que ça se passerait comme ça.

La guerrière s'arrêta, pour le regarder, de loin. Elle se sentait suffisamment mal après avoir était ainsi bernée, que voulait-il d'elle exactement ?

- Il m'a dit que tu ne me croirais pas. Que tu me rejetterais. Mais je ne l'ai pas cru, tu sais ? Parce que je t'aimais. Et je pensais que toi, tu m'aimais. Je le pensais vraiment.
- Je...
- Supersprint.

Elle ne put rien entendre de plus. L'attaque la prit de plein fouet, et l'envoya frapper contre le mur. Elle n'eut même pas le temps de réagir, de dégainer, avant de sentir une lame transpercer son abdomen.

Elle put juste lever la tête avant d'être dévirtualisée, et croisa le regard de son ancien amant. Un regard empli de haine, et de rage.

- Adieu, Yumi.




ººº


Le silence dura plusieurs secondes encore. Odd fut le premier à le rompre.

- Et donc, en gros... Qu'est-ce qu'on fait ?

Il dut prendre son mal en patience avant d'obtenir une réponse, mais celle-ci finit par venir, d'un Jérémie mal à l'aise.

- Il faudrait rechercher dans le réseau, fouiller dans les données d'Ulrich, savoir ce que Xana a modifié chez lui.
- On pourrait le récupérer ?

Le jeune scientifique jeta un coup d'œil à Aelita, qui l'observait de son regard plein d'espoir, celui qui le poussait toujours à continuer même lorsqu'il était à bout. Que lui répondre ?

- C'est difficile à dire... Il est un allié de Xana, maintenant.
- Je l'ai été aussi, et vous m'avez libéré...
- Ce n'est pas la même chose, William. Il avait pris le contrôle de ton esprit et de ton corps, avait fait de toi son esclave. D'après ce que j'ai pu voir, Ulrich est libre. Xana ne lui ordonne rien, il le conseille. Lui indique ce qui d'après lui serait le mieux, il sème le doute en lui. Il a lavé son cerveau, l'a rendu plus docile, pour lui faire croire que les nouvelles valeurs qu'il a acquises sont de lui, alors que c'est Xana qui les lui a inculquées. Il est persuadé de lutter pour la bonne cause, il croit agir de son propre chef, sans comprendre qu'il est manipulé, parce qu'il n'est pas manipulé directement.
- En fait, c'est nous les méchants, maintenant.
- Exact. Parce que ce qu'il fait est bien. C'est diabolique.

Ils restèrent en silence un moment de plus.

- Mais il faut qu'on essaye...
- On va essayer, Aelita. Mais je ne promets rien. C'est quelque chose de bien plus complexe que le cas de William.
- Mais si c'est une manipulation psychologique, même si il a aussi modifié son cerveau, on devrait pouvoir le faire douter de Xana, non ?
- Peut-être...

Et un moment de plus. Chacun se départageant entre l'espoir de pouvoir retrouver leur ami et la crainte de le perdre à nouveau. Odd reprit la parole.

- Et s'il nous attaque, on fait quoi ?
- On se battra. Et on le vaincra, toutes les fois nécessaires.

Tout le groupe se retourna vers le fond de la salle, choqué. Là se trouvait Yumi, appuyée contre le mur. Elle n'avait pas dit un mot depuis qu'elle avait expliqué la situation, et s'était contenté d'écouter. Mais elle en avait plus qu'assez, de doutes et de théories.

- Comment ?
- Ou on le récupérera, ou on l'éliminera. Mais je ne vais pas laisser Xana l'utiliser comme un vulgaire jouet plus longtemps.

Oh que non, elle ne le laisserait pas. Elle était restée en arrière trop longtemps. Il était temps, maintenant, de reprendre les armes, et de lutter pour ce qui était important.

Xana n'avait pas trouvé suffisant de tuer Ulrich ; il lui fallait aussi le manipuler, le modifier à sa guise, et l'user comme arme. Il avait bafoué sa mémoire, et tout ce en quoi Ulrich avait cru, tout ce pourquoi il s'était battu.

Elle voyait clair dans son jeu, désormais. En empêchant les autres guerriers d'aller voir Ulrich, Xana espérait que Yumi s'y rendrait, et succomberait à la douceur de son guerrier disparu. Il s'attendait à ce qu'elle ne pose pas de question, à ce qu'elle se contente de profiter de son bonheur retrouvé, tant qu'elle pouvait rester avec lui. Elle l'aimait, non ? L'amour faisait faire tant de bêtises...

Mais là où Xana avait commis une erreur, c'est lorsqu'il avait cru qu'elle ne remarquerait pas la différence. Qu'elle se ficherait que le nouveau Ulrich lutte contre son propre camp, qu'elle l'accepterait comme il était, par amour.

Elle allait lui démontrer, désormais, à quel point il avait tort. Elle lutterait jusqu'au bout pour récupérer son Ulrich, et si c'était impossible, elle respecterait son dernier choix, celui de mourir dans l'honneur et en sachant qu'elle vivrait, et l'éliminerait. Parce que c'était ce qu'il aurait voulu. L'amour ne la freinerait pas, cette fois.

Parce qu'il n'était plus le guerrier qu'elle avait aimé.
 

Vainqueur de la Catégorie Action : Rémi B.
 
Notes :
L'action de ce récit se déroule après l'épisode 30 (de la saison 2) du dessin animé (« Un grand jour »), le Cinquième Territoire a donc déjà été découvert mais pas le Cœur de Lyokô, William traîne déjà dans les pattes de nos héros au collège, Aelita vit sur Terre et s'y est déjà bien adaptée mais a toujours le pseudo-virus en elle, les véhicules sont déjà opérationnels et les lyokô-guerriers savent déjà que le Retour dans le Temps renforce X.A.N.A, qui a par ailleurs déjà créé les tarentules mais ne s'est pas encore échappé dans le réseau Internet mondial.
Bien que suivant de temps à autres les news sur codelyoko.fr, et attendant impatiemment la diffusion de
« Code Lyokô : Évolution », je ne lis presque jamais (par manque de temps) les fan-fictions. J'ai néanmoins rapidement parcouru le topic pour m'assurer que mon titre n'était pas déjà utilisé. Toute ressemblance scénaristique avec un récit déjà publié ne serait que purement fortuite et me désolerait grandement.

Blackout


_« Ainsi, 78% de la production française d'électricité provient des centrales fonctionnant à l'énergie nucléaire. »
Madame Hertz enclenche alors la diapositive suivante dans l'appareil, faisant apparaître une photographie satellite de la France de nuit.
_« Comme vous pouvez le constater, il faut bien toutes ces centrales pour alimenter en électricité la société d'aujourd'hui de jour comme de nuit. Une panne généralisée serait catastrophique. Cette image nous montre clairement, si je puis dire, l'importance de cette énergie, on peut suivre presque tous le réseau routier de notre pays rien qu'avec les lampadaires. Et même en journée, comme en ce sombre jour d'hiver, l'électricité est utilisée parfois plus que de raison. Rien que dans cette salle, outre les lampes et le projecteur, il y a une armoire électrique qui alimente les générateurs pour les laboratoires, l'alarme-incendie et... »
La professeur de physique s'interrompt. Tous les appareils électriques qu'elle vient de citer cessent tous de fonctionner en même temps.
_« Allons bon ! Restez calmes les enfants. »
Devant ses élèves qui commencent à s'impatienter et à chahuter, l'enseignante en physique/chimie se dirige vers l'armoire électrique, tente en vain de réenclencher le disjoncteur, va regarder quelques secondes dans le couloir dont elle teste l'allumage des néons, puis va jeter un œil par la fenêtre.
_« Bon, eh bien... Ça semble être une panne de secteur. Je m'étonne que le générateur de secours du bâtiment des sciences ne se soit pas encore mis en route... Enfin, de toute façon c'est l'heure. Pour demain, vous me lirez la leçon page cinquante-sept de votre manuel et ferez les exercices un, deux et trois page cinquante-huit. Bonne fin de journée les enfants. »
Alors que les collégiens quittent la salle pour retourner vers leurs chambres en cette fin de journée, l'inséparable bande se réunit.
_« C'est normal ? » demande Ulrich Stern à Jérémie Belpois.
_« Bah écoute, on dirait... Le Super Scan ne détecte rien. Je lance un Scan à l'ancienne pour être sûr, mais à priori c'est une bête panne de secteur. » répond le jeune surdoué en refermant son ordinateur portable qu'il avait ouvert dès le début de la panne durant le cours. « Ce qui est bizarre, c'est que le générateur du collège ne se soit pas mis en route. Tout est encore éteint, même la cuisine alors que ça doit être l'heure où Rosa prépare le dîner. »
_« Ah non ! Je suis pas d'accord, moi ! Ce soir, c'est couscous-boulettes et il est hors de question qu'une panne de courant me prive de ce festin ! » proteste Odd Della Robbia.
_« Je rêve ! La ville est dans le noir et il ne pense qu'à son estomac... » rit Yumi Ishiyama qui vient de rejoindre le groupe après son propre cours.
La joyeuse bande monte alors vers la chambre de Jérémie pour passer la fin d'après-midi avant l'heure du dîner.
Deux heures plus tard, le courant n'est toujours pas rétabli. Au réfectoire, au grand désespoir d'Odd et avec toute la compassion de Rosa, le couscous-boulettes est remplacé par des fruits, des légumes et des crudités (avec des miettes de thon), menu « très diététique, de temps en temps ça ne peut pas faire de mal » dixit le proviseur Delmas venu donner les consignes aux internes pour une nuit sans électricité et leur expliquer que le générateur électrique connaissait quelques problèmes techniques. Juste avant « l'extinction des feux » (blague du surveillant Jim Moralès, qui sur le coup se trouve très drôle), Jérémie vérifie le Scan, qui s'avère négatif. Ce soir-là, en plein mois de février, les collégiens se couchent donc tôt.

Le lendemain, toujours pas d'électricité. La ville commence à être en émoi. Les produits périssables, n'étant plus tenus au frais, pourrissent rapidement. L'économie est peu à peu paralysée, les commerçants ne pouvant pas ouvrir leurs boutiques et les industries faire fonctionner leurs usines. Pire, le froid commence à se faire sentir dans les foyers fonctionnant au chauffage électrique. Au Collège Kadic, les cours sont suspendus jusqu'à nouvel ordre, tandis que la batterie de l'ordinateur de Jérémie achève de se décharger.
_« Quand même, c'est bizarre. On finit de déjeuner et on fonce à l'usine. » déclare le blondinet à lunettes devant ses amis réunis au réfectoire.
_« T'appelles ça "déjeuner" ? » remarque tristement Odd en contemplant l'ai malheureux sa pomme et ses deux biscottes. « Je croyais que le petit déjeuner était le repas le plus important de la journée, ça promet pour la suite... Heureusement qu'il me reste des barres chocolatées dans la chambre ! »
_« J'appelle Yumi. » annonce Ulrich.
_« Te fatigues pas, l'antenne-relais est hors service, y'a plus de réseau. » lui répond Aelita.
Le quatuor récupère la belle japonaise à la sortie du préfabriqué et la bande au complet se dirige vers l'usine désaffectée non loin du collège.
_« Au fait, » s'interroge soudain Yumi, « le Supercalculateur ne risque pas d'être touché par la panne ? »
_« Non, » la rassure Aelita, « il fonctionne avec une pile nucléaire à l'uranium, sinon je serai déjà dans les vap'. Et si X.A.N.A. est dans le coup, il ne prendrait pas le risque de se détruire lui-même. »

Une fois dans l'imposante salle cathédrale et après avoir atteint le sol après une descente en rappel depuis l'étage privé d'escalier, force est de constater que l'élévateur ne fonctionne pas non plus, et les collégiens doivent faire un long détour parmi les anciennes salles souterraines de l'usine pour parvenir au laboratoire. Jérémie Belpois prend son poste.
_« Alors, voyons voir... Ah d'accord... »
_« Quoi ?! » demandent en chœur les autres.
_« La panne touche également les réseaux de transmission secondaires de l'usine. Les scans que j'ai lancé hier ont en fait tourné sur une image séquentielle prise à l'instant t lors de la dernière sauvegarde du système sur mon ordinateur et... »
_« Temps mort Einstein. » lance Ulrich alors qu'Odd fait semblant de ronfler sur son épaule.
_« Bah... En gros, depuis la panne, la transmission ne s'effectue plus entre le Supercalculateur et mon ordi. J'ai lancé un Scan sur des données périmées depuis deux jours. Il y a bien une tour activée sur le Territoire de la Forêt. »
_« Chouette ! Enfin de l'action ! » s'exclame Odd en se dirigeant vers le monte-charge.
_« Jérémie, tu es sûr que la pile alimente aussi les scanners ? » s'inquiète Aelita.
_« Heu... On va rester prudents. Je vais dévier une partie de l'énergie du Supercalculateur vers la salle des scanners et vous allez passer un par un. »
Sitôt dit, sitôt fait. Le jeune informaticien s'en va bidouiller quelques fils au sol tandis que ses amis descendent à l'étage inférieur par l'échelle en se moquant d'Odd qui commençait à s'énerver sur le bouton de l'ascenseur avant de se rappeler que plus rien ne fonctionne. Une fois devant les scanners, honneur aux dames, c'est Yumi qui s'avance la première tandis que Jérémie effectue les manipulations habituelles devant son écran où défilent les profils virtuels des lyokô-guerriers.
_« Transfert Yumi. Scanner Yumi. Virtualisation. » Et de recommencer l'opération trois fois de plus. Quelques minutes plus tard, la bande au complet est sur Lyokô, sur un sentier étroit et boisé baigné d'une lueur crépusculaire typique du Territoire de la Forêt. « La tour activée est devant vous, au nord-ouest. Je vous envoie vos véhicules. Attention au comité d'accueil. Une tarentule, quelques kankrelats et deux krabes au menu. »
_« Arrête ! Tu me donnes faim... » lance Odd en sautant sur son Overboard. « Se battre sans rien avoir dans le ventre depuis la veille, ça devrait être interdit par les lois de la guerre ! X.A.N.A. n'a aucun honneur ! »
Sous les rires exaspérés du reste de la bande, tout le monde s'élance en direction de la tour.

Les monstres énumérés par Jérémie sont bien là, en embuscade. En peu de temps, les lyokô-guerriers sont en vue de la tour, située au centre d'une plateforme boisée séparée du sentier (qui s'élargit et encercle ladite plateforme) par un étang comblé de quelques souches flottantes.
_« Coucou les poux ! Oulà ! Ça pullule dis donc ! Quelqu'un a du shampooing ? » plaisante Odd en passant au-dessus des cinq kankrelats dont il attire l'attention et qui lui décochent aussitôt une volée de tirs mal ajustés.
La diversion est parfaite. Les créatures en oublient les autres terriens qui leur foncent dessus. D'un maître coup de katana combiné à la vitesse de son Overbike, Ulrich tranche net deux adversaires. Deux autres subissent le même sort de la part de l'éventail de Yumi lancé depuis l'Overwing, et le dernier est achevé d'une flèche laser magistralement expédiée de loin par Odd.
_« Oh ben alors ? C'est déjà fini ? C'est trop facile ! Rien qui soit digne d'Odd le Magnifi... ! Ouch ! »
Le blond vantard n'a pas le temps d'achever sa tirade, frappé de plein fouet par un laser bien ajusté qui lui fait perdre l'équilibre et le jette à bas de son véhicule qui va se poser sur un tronc un peu plus loin. La voix de Jérémie résonne alors.
_« Moins trente points de vie à l'impact, Odd. Et moins cinq pour la chute... Gaffe au krabe derrière toi ! »
Se relevant rapidement, le chat violet se trouve face à son agresseur, un krabe à l'air patibulaire (mais presque) qui l'encadre d'une volée de tirs et tente de le placer entre ses pattes pour l'annihiler d'un coup de son puissant laser ventral. Odd en est réduit à tirer en vain ses flèches laser contre la solide carapace du monstre et à se couvrir derrière son bouclier, poussé inexorablement par la créature qui avance vers le bord du sentier et le gouffre de la mer numérique.
_« Bah alors, Odd le Magnifique ? On digère mal les fruits de mer ? Impact ! »
Surgissant de derrière le krabe et de toute la vitesse de son Overbike, Ulrich coupe littéralement en deux le monstre en enfonçant son sabre dans le ventre mou sous la carapace. Alors que la créature explose, Odd se dépêche d'aller récupérer son Overboard qui gît à quelques pas. À peine l'a-t-il récupéré qu'il lui explose dans les mains, tandis que lui-même est projeté quelques mètres plus loin par un puissant tir.
_« Odd ! Moins quarante points de vie, il ne t'en reste plus que vingt-cinq ! Fais attention ! L'autre krabe arrive ! » s'inquiète Jérémie.
_« J'aimerais t'y voir ! » lui rétorque le lyokô-guerrier en s'enfuyant vers les arbres.
_« Et c'est encore moi qui vais te sauver la mise ! Qu'est-ce que tu ferais sans moi ? Aouh ! » Tout à sa fanfaronnade et encouragé par ses récents succès, le jeune samouraï se prépare à un nouveau passage en Overbike pour venir en aide à son ami quand le krabe, en se retournant brutalement, lui envoie un coup parfaitement ajusté à courte distance avant de se reconcentrer sur le félin mauve. Ulrich tombe lourdement, son véhicule glissant sans dommage sur le sentier.
_« Ulrich ! Moins cinquante points de vie ! Vous perdez trop de vie les gars, faites un peu attention ! » s'emporte le binoclard devant son écran.
Pendant ce temps, Della Robbia, profitant de l'instant d'inattention de son adversaire, grimpe à un arbre et se laisse tomber sur la carapace du krabe.
_« Eh Ulrich ! Tu croyais quand même pas me voler la vedette ? Flèche laser ! »
Quatre coups à bout portant dans l'œil-cible sur le dos du monstre renvoient celui-ci à l'état de poussière numérique dans une explosion fracassante qu'Odd esquive en sautant au dernier moment.
Tandis que les garçons se dépêtrent ainsi tant bien que mal des krabes, les filles foncent aux commandes de l'Overwing en direction de la tour. Elles sont accueillies par un véritable barrage antiaérien émanant de la tarentule en poste au plus près de la tour activée. Le véhicule encaisse un coup dans le bouclier avant, est déstabilisé mais résiste. La geisha envoie alors d'un geste rageur son éventail sur le monstre, mais ce-dernier n'a aucun mal à le parer d'un tir bien ajusté.
_« Aelita et Yumi ont besoin d'aide ! » annonce Jérémie aux deux combattants masculins de la troupe qui se mettent immédiatement en route avec l'Overbike.
_« Yumi ! J'ai une idée ! » dit soudain Aelita. « Tourne autour de la tour et attire le feu de la tarentule. Je me charge du reste ! »
_« Aelita, qu'est-ce que tu as en tête ? Sois prudente ! » s'inquiète son soupirant resté sur Terre.
_« T'inquiète ! C'est Odd qui m'a appris ça ! »
_« Ouais... Bah... Justement, c'est pas fait pour me rassurer... »
_« J'ai entendu ! » s'insurge le susnommé en mettant pied à terre et en sautant de souche en souche pour rejoindre la plateforme de la tour.
L'Overwing commence alors une série de cercles autour de l'édifice, poursuivi par les tirs de la vindicative tarentule... qui s'arrête soudain de tirer pour entreprendre de passer de l'autre côté de la tour lorsqu'elle constate qu'Aelita n'est plus derrière Yumi sur le véhicule. Pour cause, à la faveur de l'abri temporaire du bâtiment, l'elfe a sauté en marche pour se réceptionner juste devant la tour dans laquelle elle pénètre sans être inquiété par le défenseur de X.A.N.A. alors occupé par Yumi.
Aelita s'avance au centre de la plateforme, monte d'un étage par lévitation, se positionne devant un écran qui apparaît alors, y applique la main, son nom s'inscrit... et soudain la tour se désactive.
_« Hein ?! » s'étonnent d'une même voix la jeune fille et Jérémie.
_« Je n'ai rien fait Jérémie ! »
_« J'ai vu ça Aelita ! C'est incroyable, la tour s'est désactivée toute seule ! On dirait que X.A.N.A. jette l'éponge ! »
L'étonnement profond des lyokô-guerriers consécutif à cette annonce est mis à profit par la tarentule qui dévirtualise Odd (en équilibre sur une souche à quelques mètres de la plateforme) d'une salve meurtrière, juste avant de s'attirer un éventail fatal de la jeune japonaise qui n'avait rien perdu de la scène.

Alors que Della Robbia sort du scanner l'air vexé et avec sa réplique favorite « C'est vraiment trop injuste... », dans l'usine comme sur Lyokô, on ne sait trop que faire... Soudain, une alarme retentit sur l'un des écrans de Jérémie.
_« Mais qu'est-ce que c'est que ce bazar ? Tour activée, Territoire du Désert. Foncez à la Tour du Passage ! »
Les trois survivants du combat prennent alors le chemin de ladite tour, Aelita remonte sur l'Overwing derrière Yumi et pose à voix haute la question que tout le monde pense tout bas.
_« Jérémie ? À quoi joue X.A.N.A. ? »
_« Ça... J'aimerais bien le savoir... »
Quelques minutes plus tard, les lyokô-guerriers, de toute la vitesse de leurs véhicules, s'engouffrent dans la Tour du Passage, sont aspirés dans les profondeurs numériques et resurgissent dans une tour similaire dont ils sortent. Le paysage est alors radicalement différent. Du sable et du roc formant des plateformes orangées sous un soleil de plomb, à perte de vue.

_« La tour n'est pas très loin au sud, en terrain découvert après une forêt de pics rocheux. Soyez prudent, le comité d'accueil est plus sérieux que tout-à-l'heure. Il y a au moins quatre krabes, deux tarentules et un mégatank. Et ils sont planqués dans les rochers. » énumère le jeune surdoué depuis son écran de contrôle sous le regard inquiet et quelque peu jaloux (ou dépité) d'Odd.
Effectivement. Peu de temps après, en s'engageant au travers des monolithes qui les séparent de la tour, les collégiens se trouvent face à un meurtrier tir nourri qui les encadre. Les filles sont les premières à être atteintes. L'Overwing, peu maniable et assez gros, fait une cible idéale. Quelques tirs encaissés à l'avant et il explose dans les mains de ses conductrices qui se retrouvent projetées à terre, en terrain découvert.
De son côté, Ulrich s'en tire mieux grâce à la capacité d'accélération de son Overbike. Zigzagant entre les éperons rocheux, il découpe un premier krabe en passant dessous en utilisant la même technique que sur le Territoire de la Forêt. Puis, il bascule sur le côté et projette son véhicule sur une tarentule qui se retrouve écrasée et détruite contre un rocher. Cette action lui a permis de sauter sur une colonne rocheuse d'où il bondit sur le dos d'un second krabe, qu'il extermine (« Impact ! ») d'un coup de katana en pleine cible.
Pendant ce temps les filles avancent sous un tir croisé relativement précis qui oblige Yumi à de nombreuses esquives et à utiliser son éventail à pleine capacité défensive. C'est finalement Aelita qui les sort de ce mauvais pas en utilisant son don de synthétisation qui érige un mur de sable entre elles et les créatures, laissant le temps à Stern de rejoindre les lyokô-guerrières et à la troupe d'avancer de façon significative vers son objectif.
Soudain, le bruit d'un tir particulièrement puissant résonne sur le territoire. Pulvérisant le mur de sable et les rochers sur son chemin, un faisceau rouge se dirige droit vers les jeunes héros. Yumi se jette sur Aelita, la pousse hors de la trajectoire meurtrière et est dévirtualisée, frappée de plein fouet. Le chemin vers la tour activée est néanmoins libre.
_« Fonce Aelita ! » s'écrie d'une même voix Jérémie depuis l'usine et Ulrich qui s'élance à l'aide de son Supersprint droit vers le mégatank responsable de la perte de la geisha.
Alors que la fée rose court vers l'édifice, le samouraï se rue sur le monstre sphérique, qui a néanmoins le temps de refermer son armure et de s'éloigner de son adversaire. L'adolescent n'a pas le temps de faire quoi que ce soit d'autre. Il se retrouve encerclé par les deux krabes et la tarentule encore actifs, et rapidement pris sous un meurtrier tir croisé, que son habileté défensive au sabre ne lui permet pas de supporter bien longtemps. Plusieurs lasers passent sous sa garde et il est renvoyé sur Terre sans plus de cérémonie.
Aelita est alors à quelques mètres de la tour lorsque le halo rouge, caractéristique d'une activation par X.A.N.A., disparaît.
_« Jérémie ! La tour s'est encore désactivée ! »
_« J'ai vu ! Entre quand même Aelita, la tour est neutre, je te ramène ! La mission est un échec. »
Hélas, l'hésitation a été trop longue. Alors que la jeune fille aux cheveux roses reprend sa course, une violente et brève tempête de sable se lève et la cloue sur place. Lorsque le vent et le nuage de poussière se dissipent, deux krabes barrent le passage à Aelita et la repoussent d'un vigoureux coup de pattes qui l'expédie entre les griffes de la tarentule. Horrifiée, la lyokô-guerrière recule pour se retrouver dos au mégatank lui aussi revenu.
_« Jérémie ! Au secours ! Les monstres ! Ils m'empêchent de passer ! »
_« Oui. Et il y en a d'autres qui arrivent. Trois krabes, deux tarentules et un mégatank supplémentaires. Essaye de forcer le passage Aelita, les monstres ne peuvent pas te tuer sans tuer X.A.N.A., ils ne te feront rien ! C'est du bluff ! »
Mais les efforts de la jeune fille sont vains. Chaque tentative de passage en force se solde par un coup de patte qui l'éloigne chaque fois un peu plus de la tour. Par ailleurs, les mégatanks prennent un peu de champ et commencent à faire feu sur l'édifice.
_« Jérémie ! Les mégatanks ! Ils détruisent la tour ! »
_« X.A.N.A. veut t'empêcher de rentrer. C'est un piège ! Tu es toute seule Aelita, tu dois passer ! » lui répond le surdoué au bord des larmes.
C'est alors que, des confins du Territoire du Désert, se fait entendre un cri sinistre, aigu et gélatineux, qui fait s'exclamer de terreur les cinq adolescents.
_« La Méduse ! »
X.A.N.A. a en effet fait sortir ce terrible monstre du Cinquième Territoire. Cette créature s'en est déjà prise plusieurs fois à Aelita, l'enserrant dans ses tentacules pour lui soutirer des informations, sans que Jérémie puisse encore être sûr des objectifs de X.A.N.A. concernant cette tactique. Mais jamais encore elle n'avait quitté l'enceinte de Carthage. C'est Yumi qui, reprenant la première ses esprit, consulte les écrans et encourage la jeune fille virtuelle.
_« Aelita ! La Méduse est à l'autre bout du territoire, elle vient d'apparaître, tu as plusieurs minutes devant toi, ne panique pas et fonce ! »
Aelita tente alors le tout pour le tout. Utilisant pour la seconde fois son don de synthétisation, elle fait disparaître le sol sous les pattes des monstres qui l'encerclent. Les créatures, impuissantes, sont précipitées dans la mer numérique. Se concentrant davantage, la combattante fait cette fois-ci apparaître une passerelle vers la tour. Puis elle se précipite sur ce pont fragile, que deux faisceaux lasers des mégatanks viennent heureusement pulvériser trop tard. L'elfe pénètre dans la tour, fortement ébranlée par les coups répétés des monstres.
_« Jérémie ! Dépêche-toi ! La tour ne résistera pas longtemps ! »
En sueur, le jeune intello tape, tout tremblant, le code nécessaire à la matérialisation d'Aelita, handicapée par un virus implanté par X.A.N.A. lors de sa première matérialisation et qui la lie à lui.
_« Code : Terre. »

Le soir-même, dans la chaufferie du Collège Kadic, un dortoir improvisé est monté par Jean-Pierre Delmas, Rosa et Jim, tous trois aux petits soins pour les internes n'ayant pu rentrer chez eux. Une trentaine de collégiens se retrouve ainsi emmitouflée dans les couettes et couvertures sorties pour l'occasion, devant un bon feu de bois ronflant dans la chaudière du collège, en train de déguster du couscous (« sans boulettes, désolée Odd, elles se sont gâtées » dixit la cantinière) et de la soupe chaude mijotée par Rosa au-dessus du foyer. Et dans un coin, nos cinq héros, Yumi Ishiyama comprise après avoir demandé l'autorisation à ses parents. Profitant d'un moment où l'auditoire est tout entier acquis au professeur d'E.P.S. qui raconte ses aventures du temps où il était garde-frontière russe sur la côte arctique de la Sibérie, les lyokô-guerriers font le point.
_« Bon, tu nous expliques Jérémie ? Et simplement. » demande Ulrich.
_« Bah en gros, X.A.N.A. fait les choses en grand. D'après l'historique du Supercalculateur, il a activé une demi-douzaine de tours depuis avant-hier. Et tout-à-l'heure, après le Territoire du Désert, il en a activé une sur le Territoire des Montagnes. Et à chaque fois, il frappe une centrale électrique différente, met hors-service tous les systèmes de production tout en s'assurant de court-circuiter les générateurs de secours. C'est tout le centre du pays qui est dans le noir en ce moment et ça s'étend. En plein hiver, dans notre société actuelle, l'électricité est vitale. C'est vraiment dangereux comme attaque. Blackout total. Déjà qu'au bout de deux jours c'est la galère intégrale, je vous laisse imaginer dans une semaine... »
_« Plus de chauffage, plus de denrées périssables, plus de communications, l'économie et l'industrie à plat, tous les systèmes hors service... L'enfer, quoi. » déclare Yumi d'un ton maussade.
_« J'te l'fais pas dire ! Il voit de plus en plus grand notre X.A.N.A. ! C'est la version évoluée de sa tentative de court-circuit de la centrale nucléaire locale il y a quelques mois. Ah ça, il ne lésine pas sur les moyens ! Ça jette un froid ! » conclut Odd.
_« Odd ! T'es déprimant ! » l'invectivent les autres.
_« Vous comprenez rien à mon humour ! Mais blague à part, on en a fait l'expérience tout-à-l'heure, pas facile de désactiver des tours quand X.A.N.A. arrête pas d'en changer. Si quelqu'un a une idée lumineuse, je veux bien qu'on éclaire ma lanterne ! »
_« Moi j'ai peut-être une idée... » essaye Aelita sans s'arrêter au désastreux jeu de mots du blondinet, « Jérémie, l'interface du Cinquième Territoire où on a piraté les données de matérialisation l'autre jour lors de notre exploration, je pense qu'on pourrait l'utiliser pour faire boguer le programme d'activation des tours, ce qui nous laisserait le temps de désactiver celle en cours avec le code Lyokô, ce qui mettrait fin à l'attaque. Tu ne crois pas ? »
_« Ouais... Ça pourrait marcher... De toute façon, on a pas trop le choix, faut bien tenter quelque chose. Dès demain matin, on retourne à l'usine. Et cette fois pas de quartier ! »
Tout le monde acquiesce. Peu après, les jeunes adolescents s'endorment, serrés les uns contre les autres pour se tenir chaud (ce qui en fait rougir quelques uns).

Le lendemain, au garde-à-vous dans le laboratoire, les lyokô-guerriers reçoivent les dernières consignes de Jérémie qui fait les cent pas devant eux.
_« Donc, c'est bien compris ? La tour activée hier dans le Territoire des Montagnes l'est encore. Je vais vous virtualiser assez près pour faire peur à X.A.N.A. et attirer ses monstres. Dès que la diversion prend, vous sautez de la plateforme pour atterrir sur celle du dessous puis foncez vers l'extrémité du territoire qui n'est pas loin. Pas de véhicules, je vous les réserve pour le Cinquième Territoire. Une fois là-bas, direction l'interface. Ne jouez pas les héros, ça va être une mission longue. Efficacité maximale, pertes minimales. Et une fois le programme bogué, foncez désactiver la dernière tour, comme d'habitude. Pas de questions ? Rompez ! »
_« Sir, yes sir ! » de répondre en chœur ses comparses en se dirigeant vers l'échelle et la salle des scanners.

_« Virtualisation ! Attention, X.A.N.A. réagit, trois escadrilles de frelions en approche de toutes les directions ! Foncez vers l'extrémité du territoire ! »
À peine les lyokô-guerriers sont-ils sur place que leur ennemi tombe dans le panneau. La situation des collégiens est néanmoins précaire. La tour est enserrée dans une vallée au bout d'un sentier étroit sur lequel sont apparus nos héros, faisant des cibles parfaites pour les dangereux insectes parfaitement à l'aise dans ce territoire brumeux aux multiples dimensions. Suivant les consignes de Jérémie et un parcours étudié d'avance sur l'holomap, les combattants s'éloignent de la tour, sautent sur un petit mont flottant et se laissent choir dans les nuages, le tout sous les tirs croisés d'une dizaine de frelions qui ne les lâchent pas. L'atterrissage sur la plateforme inférieure est rude, et la corniche est étroite. Se réceptionnant mal, Aelita manque de tomber dans le vide et s'agrippe désespérément à la paroi avant d'être secourue par Yumi. Les adolescents, pourchassés par les insectes, se ruent dans un tunnel en pente, toujours sous le feu ennemi. Avant de s'engouffrer dans la grotte, Odd Della Robbia se retourne et extermine un frelion d'une flèche laser parfaitement ajustée. Malheureusement pour lui, son adversaire a eu le temps de lâcher un puissant jet de venin qui vient s'épandre entre le combattant et l'entrée, obligeant le chat violet à traverser cette flaque aux effets néfastes.
_« Odd... Moins vingt points de vie... Fais gaffe, bon sang ! »
_« Désolé Einstein... »
De toute façon, cette pantalonnade n'a pas servie à grand chose, six frelions s'engouffrent également dans le tunnel rocheux tandis que les deux derniers font le tour de la montagne pour attendre les aventuriers à la sortie... S'ensuit un échange de tirs assez confus lors de la descente. Ulrich pare et renvoie tant bien que mal les coups avec son katana. Yumi perd cinq points de vie on ne sait trop comment mais pulvérise deux frelions d'un coup d'éventail (à la trajectoire assez aléatoire en fonction des rebonds sur les parois). Odd s'offre également un adversaire, c'est bien le minimum malgré le nombre de fléchettes qu'il envoie dans la nature... Enfin, l'un des insectes calcule mal sa trajectoire, perd son contrôle, pivote en tirant dans tous les sens, touche et tue l'un de ses pairs et finit par exploser.
À la sortie de la grotte en toboggan, sportive car sous le feu croisé des deux frelions qui ont fait le tour, les lyokô-guerriers se ruent vers l'extrémité de la plateforme où la brume s'évapore pour laisser apparaître l'immensité de la mer numérique. Leur situation est précaire, le sentier est étroit, et les guêpes virtuelles les arrosent de loin de salves de plus en plus précises. Le jeune informaticien sort rapidement ses amis de cette situation délicate.
_« Code : Scipio. »
Une sphère blanche frappée de l'œil de Lyokô apparaît alors et englobe les humains avant de se diriger à toute allure vers la sphère centrale du monde virtuel, entourée d'une mer de données, soleil brillant maintenant les quatre territoires de Lyokô en un tout, la forteresse de Carthage, le Cinquième Territoire.

Le Transporteur dépose ses passagers dans l'Arena, grande pièce circulaire, qui tournoie sur elle-même jusqu'à ce qu'un couloir s'ouvre et que les lyokô-guerriers s'y engouffrent.
_« Beuh... Je ne m'y ferai jamais... » gémit un Odd visiblement nauséeux.
_« Pour l'instant, succès complet. » exulte Jérémie depuis le laboratoire. « X.A.N.A. a paniqué. Il vient de désactiver sa tour sur le Territoire des Montagnes et d'en activer une nouvelle sur le Territoire de la Banquise. Attention, deux minutes avant la fin du compte à rebours et le reparamétrage de la salle. Ça ne devrait pas être trop dur, la clef est à hauteur d'homme au bout d'une grande salle sur votre gauche. Soyez prudents, j'ai plusieurs ennemis sur mon radar. Prenez garde à vos points de vie, moins quarante au minimum en cas de coup direct, rappelez-vous. »
Effectivement, les combattants arrivent dans une vaste salle cubique aux murs bleus si caractéristiques du Cinquième Territoire. Aucun obstacle sinon une demi-douzaine de rampants qui s'annoncent par un barrissement. Le combat s'engage rapidement tandis qu'Aelita, n'ayant pas d'armes, se rue droit devant elle en direction de la clef. Prenant garde à ne pas être touchés, les jeunes héros se montrent moins agressifs que d'habitude, se protègent et esquivent plus qu'ils n'attaquent et le combat traîne en longueur. Ulrich, le premier, décapite un affreux, bientôt suivi par Odd qui en mitraille un qui prenait pour cible Aelita. Soudain, Yumi pousse un cri d'alerte et, faisant usage de son pouvoir de télékinésie, propulse la jeune elfe aux cheveux roses sur le côté. Il était temps. Un bloc s'écrase à l'endroit où elle aurait dû se trouver.
_« Qu'est-ce qui se passe ? » s'enquiert Belpois.
_« Le plafond nous tombe dessus ! » s'écrit Yumi.
_« On se croirait dans Tébricks III » renchérit Odd.
_« Collez-vous contre les parois ! Mais dépêchez-vous, il ne reste que trente secondes avant le fin du compte à rebours ! Et soyez prudents surtout ! » ordonne Jérémie.
_« Supersprint ! » Faisant fi des consignes de son ami, le jeune samouraï joue de son accélération pour foncer vers la clef tandis que ses collègues se blottissent contre les murs pour éviter l'effondrement apocalyptique de la salle. Zigzagant entre les blocs en chute libre, il atteint la clef à cinq secondes de la fin du compte. Le cataclysme cesse aussitôt et une porte s'ouvre à côté d'Ulrich, qui est alors pris pour cible par les deux rampants survivants de l'éboulement. Pas longtemps. Un sifflement strident alerte trop tard l'un des deux monstres qui se retrouve décapité par un éventail, et le second ne se retourne que pour se prendre une volée de flèches laser.
_« Prenez tout droit jusqu'à l'ascenseur. » guide le binoclard depuis la Terre.
Les lyokô-guerriers arrivent alors à une plateforme où ils attendent leur véhicule, qui s'annonce par un crissement mécanique mais ne s'arrête guère. Les adolescents sautent sur le bras coulissant et se laissent guider le long de la paroi interne de la sphère de Carthage jusqu'à une petite avancée qui traverse la paroi solide du Cinquième Territoire et ouvre directement sur l'impressionnante Voûte céleste, mur de données sphérique séparée du noyau de Lyokô par un vide conséquent et qui sépare Carthage du reste de Lyokô.
_« Attends Aelita, je programme les véhicules. Je ne contrôle plus rien quand tu touches à l'interface. »
Tandis que les véhicules apparaissent le long du promontoire, Aelita se dirige à son extrémité et se connecte à l'écran qui lui donne accès à toutes les données de X.A.N.A. et de Lyokô. Bientôt, la sphère de données se gondole en trois points et un craquement résonne dans la Voûte. Les lyokô-guerriers enfourchent leurs bécanes. Dans un cri aquilin, trois superbes mantas éclosent. La bataille aérienne peut s'engager. Les monstres commencent par lâcher une salve mal ajustée en direction d'Aelita, puis se séparent pour s'occuper des humains qui les menacent. Ulrich est le premier à tenter un assaut, sabre au clair. Il se rapproche dans l'angle mort d'une manta, mais au moment où il va lui passer dessous, l'animal lâche une flopée de mines depuis un orifice ventral, obligeant le jeune homme à décrocher. Odd, quant à lui, a bien du mal à échapper à une deuxième manta qui l'a pris en chasse. Il enchaîne en vain les figures aériennes pour semer son adversaire, dont il est finalement débarrassé d'un éventail bien lancé par Yumi, elle même alors pourchassée par la créature qu'a laissé filer Ulrich et qui lui retire trente points de vie d'un seul tir. Personne ne semble alors prendre garde à la troisième manta, qui se dirige vers l'interface et bouscule Aelita, l'interrompant un moment dans son travail. Alors qu'elle revient pour un second passage, la créature ailée est doublée par l'Overboard dont le propriétaire lâche une volée de flèche sur sa cible dorsale, mettant fin à cette menace. Tout cela est suivi avec inquiétude par Jérémie, impuissant, depuis son fauteuil. Soudain, Aelita lance la bonne nouvelle que tout le monde attendait.
_« Jérémie ! Ça y'est ! J'ai intégré des dossiers parasites dans le programme d'activation des tours, X.A.N.A. ne peut plus les activer et les désactiver à sa guise, du moins pour le moment, ça va lui prendre du temps pour réinitialiser tout ça ! Je te rends les commandes ! »
_« Hourra ! » lance l'intello. « Yumi ! Récupère Aelita ! J'ouvre le tunnel vers le Territoire de la Banquise. La tour activée est à l'ouest, au cœur d'un iceberg. Et bien protégée, X.A.N.A. envoie du monde maintenant qu'il se sait menacé... Foncez, on va l'avoir ! »
La jeune japonaise récupère sa collègue avec l'Overwing, les trois lyokô-guerriers déroutent ensuite la dernière manta par une série de manœuvres aériennes et se ruent hors de la Voûte céleste par un tunnel de données que Jérémie vient de désactiver temporairement et dans lequel le monstre ne peut pas les suivre. Quelques minutes plus tard, les quatre héros survolent les étendues océaniques, gelées et nocturnes de la banquise.

Au bout d'un long et sinueux sentier de glace serpentant à découvert sur la calme mer d'un bleu profond se dresse une véritable tour de glace, piquetée de grottes et striée d'une chute d'eau, iceberg impressionnant au-dessus duquel une aura rouge trahit la présence de la tour activée. Et partout des tarentules et des bloks.
_« Aucun abri avant l'iceberg... Ça va être tendu... » murmure Ulrich entre ses dents.
_« Il faut qu'on réfléchisse à un plan. » déclare Yumi.
_« J'en ai une, de solution ! THAÏAUT ! » hurle alors Odd en fonçant, ventre à l'Overboard, sus à l'ennemi et droit devant lui.
_« Odd ! Attends ! » lance Aelita. « Il doit bien y avoir une autre méthode ! »
_« Bien sûr qu'il y en a d'autres. » répond Ulrich en dégainant son sabre. « BANZAÏ ! » Et le jeune samouraï de s'élancer sur le sentier, katana au clair, de toute la vitesse de son Overbike.
_« Ah les garçons... » soupire Yumi en emboîtant avec résignation le pas aux autres. « Jérémie, dis quelque chose ! »
_« Quelque chose... » dit le jeune blondinet depuis son écran de contrôle, inquiet mais encore plus résigné que les filles.
_« Eh là ! Interdit de me piquer mes vannes, Einstein ! » proteste Della Robbia, le farceur de service.
_« C'est malin... » peste Aelita contre son amoureux.
_« Bah quoi, qu'est-ce que tu veux que je dise Aelita ? Ils ne m'écouteront pas, de toute façon, alors... Une fois à l'abri près de l'iceberg, il sera possiblement temps de réfléchir. Le début sera chaud, voilà tout ! » lui rétorque ce dernier.
Pour un début chaud, il est en effet bouillant. Cinq tarentules, en différents points de l'iceberg, déchaînent soudain un feu d'enfer sur les lyokô-guerriers en approche. L'immanquable Overwing est touché par une série de tirs, Ishiyama est éjectée du véhicule, heureusement au-dessus du sentier, mais Aelita y reste accrochée, tant et si bien que lorsque le véhicule se dévirtualise, elle choit au-dessus de l'eau. Heureusement, Odd « ton chevalier servant, Princesse », d'un demi-tour efficace, parvient à la récupérer sur son Overboard et à reprendre le chemin de la tour. De son côté, la belle japonaise monte en croupe de l'Overbike dont le propriétaire avait fait demi-tour.
Odd et Aelita arrivent rapidement au-dessus du glacier, aperçoivent la tour, mais ne peuvent s'en approcher tant ils sont encadrés par les lasers. L'inévitable arrive, le skate-board volant encaisse un tir direct, éjectant ses deux occupants qui chutent lourdement sur un éperon de glace au sommet de l'iceberg.
De leur côté, Ulrich et Yumi, dont la marge de manœuvre est limitée par l'étroitesse du sentier, ont fort à faire pour s'approcher de l'objectif. Ils y parviennent néanmoins, non sans mal, et leur véhicule est touché alors qu'ils sont au pied de la paroi du bloc de glace. Le samouraï a juste le temps d'expédier le véhicule en direction de deux tarentules. L'une explose en même temps que l'Overbike, l'autre esquive en faisant un pas de côté... qui la fait tomber directement à l'eau. Les deux adolescents, sous un déluge de feu, courent se mettre à l'abri dans la grotte derrière la cascade toute proche... pour se trouver nez-à-nez avec trois bloks en embuscade. La geisha, entrée la première, se voit contrainte à l'immobilisme par un jet gélifiant d'un des monstres qui lui immobilise la jambe gauche. En rage, elle détruit son agresseur d'un coup d'éventail bien ajusté juste avant d'être dévirtualisée par un coup à bout portant. Ulrich se rue alors dans la caverne, frappe et détruit l'un des deux bloks restants, puis enclenche une triangulaire contre son dernier adversaire qui ne sait où donner de la tête face à ce triangle infernal qui semble composé de trois combattants. Un coup de katana dans l'œil met fin à son calvaire. Le collégien s'élance ensuite sur les plaques de glace du lac intérieur pour gagner la paroi opposée de la grotte, sur laquelle un sentier semble monter vers le sommet du glacier.
Au sommet justement, la situation est précaire pour Odd et Aelita, coincé derrière leur bloc de glace, en vue de la tour dans une excavation en contrebas, mais sous le feu de trois tarentules. Et ça ne peut que s'aggraver. Les monstres de X.A.N.A. se ruent vers la tour en empruntant les sentiers extérieurs. L'arrivée surprise d'Ulrich par l'intérieur de l'iceberg change la donne. Surgissant sur la droite de la ligne des tarentules, devant la tour, il s'élance en activant son triplicata, créant ainsi deux clones qui chargent avec lui. Profitant de la diversion, la jeune elfe aux cheveux roses tente sa chance et un passage en force vers l'édifice en se laissant glisser le long de la paroi. Le chat violet la couvre de toute la cadence de tir de ses flèches laser. Pas longtemps. Une volée d'anneaux incandescents fait exploser son abri et lui avec. Odd vient de se faire surprendre par les bloks venus en renforts des pourtours du glacier.
En contrebas, ça ne va pas si mal. Les tarentules sont surprises et désorganisées par l'arrivée d'Ulrich, qui se bat comme un diable et réexpédie deux monstres à l'état de poussière numérique. Il commet alors l'imprudence de fusionner ses clones. La seconde nécessaire à cet exercice lui est fatale. Tous les défenseurs de X.A.N.A. sont sur les hauteurs de la cuvette et font pleuvoir un feu d'enfer en contrebas. L'adolescent est dévirtualisé, tandis que les bloks utilisent leurs rayons de glace pour créer des obstacles sur la route d'Aelita, une fois de plus seule. Ne se laissant pas prendre au bluff comme la fois d'avant, elle avance résolument, feinte la tarentule survivante et pénètre dans l'édifice. Un cri de joie résonne dans l'usine, celui de Jérémie, tétanisé depuis le début de cet affrontement épique et qui semble soudain revenu à la vie. Sur Lyokô, dans la tour, s'élevant au milieu des données, la jeune fille s'élève, atterrit sur la plateforme médiane, appose sa main sur l'écran. Son nom apparaît, puis le code salvateur, Code : Lyokô. Les données chutent alors dans les tréfonds du réseau, le halo rouge s'évapore, les monstres poussent un cri de rage. La tour est désactivée. L'attaque de X.A.N.A. prend fin.

Dans le laboratoire, l'ambiance se détend. Odd et Ulrich sont assis contre le mur, le souffle court, sous le choc du combat intense qu'ils viennent de vivre et de la violence de leur dévirtualisation, veillés par une Yumi inquiète. Mais un débat reste à clore.
_« Jérémie, enclenche un Retour vers le Passé. » demande Aelita depuis la tour.
_« Est-ce que c'est nécessaire ? Ça renforce X.A.N.A. et vous le savez. » répond le jeune intello.
_« Peut-être, mais il faudra plusieurs jours pour que le courant soit rétabli. Et d'ici là, il peut y avoir encore beaucoup de complications. Espérons déjà qu'il n'y ait pas de victimes que nous ne pouvons pas ramener à la vie. » lui réplique Yumi.
Les deux lyokô-guerriers blessés lèvent la main pour approuver leur amie.
_« Bon, très bien. » s'incline Jérémie. « Vous avez sûrement raison. »
Quelques manipulations sur le clavier et un rayon blanc jaillit de l'holomap pour englober les quatre dimensions de ce monde.

_« Ainsi, 78% de la production française d'électricité provient des centrales fonctionnant à l'énergie nucléaire. »
Madame Hertz enclenche alors la diapositive suivante dans l'appareil, faisant apparaître une photographie satellite de la France de nuit.
_« Comme vous pouvez le constater, il faut bien toutes ces centrales pour alimenter en électricité la société d'aujourd'hui de jour comme de nuit. Une panne généralisée serait catastrophique. »
_« Ah ça ! » l'interrompt impertinemment Odd Della Robbia depuis sa place à côté d'Ulrich Stern, « On est au courant ! » provoquant un rire généralisé parmi ses camarades de classe.
 

Vainqueur de la Catégorie Quotidien : Icer
 
L'échiquier


Note : L'action se déroule peu de temps après la « première mort » de X.A.N.A. (#94 Contre-attaque).


William Dunbar reprit connaissance, en plein milieu d'une des salles désaffectées de l'usine. Il n'avait aucun souvenir de ce qui s'était passé, mais il commençait à avoir l'habitude. X.A.N.A. L'entité qui traçait sa destinée se foutait royalement de lui. Aelita lui avait avoué après son retour que tant qu'il restait sur Terre, le programme ne pourrait plus rien contre lui car en tant que Lyoko-guerrier, il ne pouvait pas se faire contrôler. William n'avait jamais été très croyant, et se rendit compte qu'il avait bien fait.
Il était seul. Pourtant, s'il avait été xanatifié, sa cible devait nécessairement être un de ses « amis ». Donc c'était délibéré. Le constat était amer. Il eut envie de tout laisser tomber. Mais c'était encore un peu tôt. Alors, en soupirant, il se releva et quitta l'usine, regagnant Kadic par les égoûts. Le soleil se couchait.
Il devait aller les voir, il n'avait pas le choix. Mais qui choisir ? L'idéal serait Yumi, mais William n'était pas d'humeur pour une confrontation avec l'autre blaireau qui n'avait toujours pas compris qu'il avait conquis le cœur de la belle avant même que Dunbar ne change d'établissement. Ulrich était donc également à exclure et Odd étant dans la même chambre, le risque était trop grand. Il choisit Jérémie. Lui aurait des réponses claires.
Arrivé devant la porte d'« Einstein », il hésita. C'était peut-être une mauvaise idée. Tandis qu'il restait sur place, il entendit des voix. Ils étaient tous chez Belpois. Il avait bien fait de ne pas entrer. Et ça devenait de toute façon inutile, car les Lyoko-guerriers se remémoraient les événements de la journée, ce qui permit à l'adolescent d'avoir les réponses qu'il cherchait. X.A.N.A avait été vaincu. Franz Hopper était mort. Et William avait effectivement été xanatifié, et laissé pour compte par la suite. En ayant assez entendu, il se retira dans sa chambre, s'écroula sur son lit et s'endormit dans la minute.


- Transfert Odd. Transfert William.
...
- Scanner Odd. Scanner William.
...
- Virtualisation.
...
William Dunbar fut virtualisé aux côtés de son camarade sur le territoire de la banquise. Ils arrivaient à temps. Aelita était en difficulté face à une horde de Mantas tandis que Stern tentait en vain de stopper la progression du Kolosse vers la tour activée pour éviter que l'ultime rempart ne leur pose problème.
- William ! cria Jérémie. Ulrich a besoin de toi pour le Kolosse. Occupe-toi de son bras. Odd, je t'envoie l'Overboard, escorte Aelita.
- Ok ok !
Le Lyoko-guerrier s'exécuta, explosant au passage une Manta avec une salve d'énergie. Il pointa alors son zanbato vers le bas, s'entourant immédiatement d'une intense aura violette, et se mit à léviter. Il s'envola juste au dessus du bras gauche xiphoïde du Kolosse. Ulrich était déjà en train de transpercer la cible sur sa face, pour l'aveugler et éviter que William ne se fasse dégommer par le poing d'un monstre de plus de trente mètres. Il put sans problème planter sa propre lame dans la cible sur l'avant-bras avant de déguerpir. Le Kolosse vacilla, et s'écroula au sol, dévirtualisant Ulrich au passage sous son poids. William lui avait eu le temps de s'écarter. Le problème, c'est qu'il avait sacrifié son épée pour venir à bout du monstre et ne pouvait plus aller aider Odd et Aelita face aux Mantas. Qu'importe, il avait fait sa part du boulot.
C'est alors que la Méduse apparut comme par enchantement et l'attrapa. Désarmé, il ne pouvait rien faire à part tourner le regard vers ses amis. Odd jeta un bref coup d'œil dans sa direction mais préféra le laisser à son triste sort pour permettre à Aelita de franchir la barrière de Mantas. La Méduse relâcha William. Celui-ci alors changea immédiatement d'avatar pour retrouver son coté sombre. Et son Supersmoke. Il pouvait désormais rematérialiser son zanbato. Odd n'avait pas fait attention à lui. Une erreur. Tandis que le félin luttait contre les Mantas sur son véhicule, le lieutenant de X.A.N.A lui envoya une salve en plein dans le dos. Avec un cri pitoyable, Della Robbia fut dévirtualisé.
- Supersmoke !
William fonça sur Aelita...
- Oh non, Jér...
... et la coupa en deux. Fin du problème. Les Mantas restantes repartirent.
Se retrouvant tout seul, William se dirigea vers un sentier adjacent à la tour. Celui-ci permettait de grimper sur l'iceberg qui surplombait l'infrastructure. Au sommet de cet iceberg se trouvait un Gardien. William s'attendait à trouver Yumi à l'intérieur. Mais ce n'était pas elle. C'était une autre fille de taille moyenne, avec de magnifiques cheveux noirs et bouclés. Sa tenue virtuelle était indescriptible, mais le jeune homme constatait simplement que celle-ci n'était pas très colorée : Du blanc constellé ici et là de tâches ou de traits noirs irréguliers. Elle portait également des lunettes de la même couleur.
William voulut lui venir en aide. C'est à ce moment là que le Gardien relâcha brutalement sa captive pour emprisonner le guerrier noir. Ce dernier fit le maximum pour ne pas sombrer dans l'inconscience avant de voir si la fille allait bien. Mais c'était inutile. Il la vit à peine remuer avant de cesser son combat mental.



William sursauta brutalement, en sueur. Il n'avait pas entendu son réveil. Il avait raté les cours de toute la matinée, et bientôt, le premier cours de l'après-midi s'il ne se dépêchait pas. Mais c'était au-dessus de ses forces pour le moment. Il fallait qu'il aille parler à Yumi. Oh, non pas qu'il était toujours amoureux d'elle, loin de là. La façon dont celle-ci lui avait reproché sa xanatification alors même que c'était de sa faute si l'adolescent avait été recruté trop tard – en votant non la première fois – prouvait qu'elle n'était pas vraiment faite pour lui. Mais il voulait tout de même savoir si, maintenant que X.A.N.A n'était plus, elle voulait bien rester son amie. Il n'en avait pas vraiment d'autres dans la classe. Il profita de l'heure de cours qu'il séchait cette fois impunément pour se prendre une douche bien froide. Puis, peu avant que la cloche ne sonne, il descendit sous les arcades attendre que Yumi sorte de la salle de cours. Il fallait que William trouve un sujet pour l'aborder avant de glisser sur leur amitié en péril. L'extinction du Supercalculateur. Très bon ça.
Il l'aperçut.
- ... Yumi.. attends.
- Hum ?
- Alors ça y est vous... vous l'avez éteint ?
- Euh... pas encore, les autres hésitent.
Manquait plus que ça.
- Quoi ? Ils sont dingues ? Ils ne se rendent pas compte du danger que représente le Supercalculateur ?
Ce n'était pas vraiment exact, X.A.N.A n'étant plus lié à la machine. Mais l'important était de broder.
- Bien sûr qu'ils sont au courant que c'est dangereux.
Elle confirmait quand même ses paroles en l'air. William devait-il s'en réjouir ? Il verrait plus tard.
- Mais ça ne les empêche pas d'être nostalgique... acheva Yumi.
- Et pas toi ?
- Non, je pense que la vie sera tout aussi bien sans Lyoko.
William sentit l'ouverture.
- En fait, tu es comme moi. Tu gardes toujours espoir.
Il lui prit la main. Elle la lâcha.
- Sauf quand c'est une cause perdue. Allez, ciao beau gosse !
Et elle s'éloigna. C'était un échec critique pour William qui retourna dans sa chambre, dépité. Il ne savait plus quoi faire.


Le Gardien explosa soudainement, libérant William. On aurait dit que la fille venait de l'anéantir de son simple regard déterminé. Pour une raison inconnue, il la trouvait très attirante alors qu'elle n'avait clairement pas un physique aussi avantageux que la belle Ishiyama. En se relevant, le Lyoko-guerrier remarqua qu'il avait retrouvé sa combinaison d'origine.
- Euh, merci.
Elle ne répondit pas. Elle marcha jusqu'au bout de l'iceberg et s'assit, contemplant l'horizon bleu. William hésita un instant, puis fini par la rejoindre. Un détail lui revint alors en mémoire.
- Tu dois sacrement me ressembler pour que le Gardien ait pensé s'être trompé de cible.
Elle tourna alors sa tête et commença à débuter l'esquisse d'un sourire...



William sursauta brutalement, en sueur. Il n'avait pas entendu son réveil. Il avait raté les cours de toute la matinée, et bientôt, le premier cours de l'après-midi si il ne se dépêchait pas. Mais c'était encore au dessus de ses forces pour le moment. Encore ?
Dunbar se prit la tête dans ses mains. Il venait de se faire ajourner par Yumi et était remonté dans sa chambre et puis, plus rien... et voilà qu'il revivait la même chose. Ces imbéciles avaient dû effectuer un retour dans le temps de quelques heures pour une raison inconnue, sans naturellement se donner la peine de le prévenir. Mais lui aussi s'en souvenait à présent. Il avait alors rêvé de nouveau, « la suite ».
Il trouva le courage nécessaire pour retourner se doucher. Mais cette fois en chemin, il croisa Ulrich et Odd en tenue sportive. Et merde.
- Hum, qu'est-ce que vous faites là ?
- Ben, même un retour vers le passé n'empêche pas Odd de se moquer de Jim une deuxième fois.
- Tout juste, Auguste ! On est attendu chez Delmas.
- À ce propos, c'était pour quoi ce retour dans le temps ?
- Sissi avait découvert l'usine. Mais c'est réglé maintenant, on va pouvoir éteindre le Supercalculateur dès que les cours seront finis, répondit son ancien rival.
- On ?
- Bah oui, lança joyeusement Odd. Jérémie, Aelita, Y...
Le chat violet à la retraite s'interrompit brutalement suite à un regard noir d'Ulrich.
- Bah quoi ?
William s'éloignait vers les douches, la tête basse.
- Imbécile, t'étais obligé de la ramener sur le fait qu'il n'est pas invité ?
- Tu te soucies de lui maintenant ?
- On a promis à Aelita.
Aelita ? William y réfléchit en reprenant une fois de plus la même douche. Même sous la pression du groupe, elle se montrait déjà plus chaleureuse. Il pourrait essayer d'aller lui parler quand elle serait seule. Ouais, il allait faire ça. De toute façon, inutile de redescendre discuter avec Yumi. Il y a des choses que le retour vers le passé ne change pas. Les troisièmes avaient gym, c'est ça ?
Le problème, c'est que Belpois, maintenant qu'il n'avait plus à s'occuper de X.A.N.A, passait le plus clair de son temps avec la demoiselle. Après avoir éteint le Supercalculateur, les deux tourtereaux se sentirent obligés d'en parler pendant toute la soirée. Cette nuit-là, William se coucha de nouveau seul, et complètement dépité.

</i>- Transfert William. Transfert Yumi.
...
- Scanner William. Scanner Yumi.
...
- Virtualisation.
...
Quelque chose s'était mal passé. William Dunbar atterrit sur le sol du territoire banquise avec sa combinaison noire. Yumi le constata également.
- Jérémie ? On a un problème.
- J'ai vu ça oui.
- Il fallait me laisser une chance quand j'étais de votre coté... gronda William.
Et il lui envoya une salve d'énergie après avoir fait apparaître son zanbato. La geisha fut dévirtualisée. La communication avec Belpois, interrompue.
William, de nouveau seul, se dirigea vers l'iceberg habituel. Le Gardien était toujours là. Cette fois, ne s'approchant pas trop une fois au sommet, l'adolescent lui envoya une salve. Le monstre explosa, libérant sa captive. Toujours la même.
- Eh bien... merci, dit-elle enfin.
William fut surpris. Elle n'avait pas la voix typique des belles princesses captives.
- Qu'est-ce que tu fais là ?
Son ancienne combinaison était de retour.
La fille porta son regard vers l'horizon. Une nouvelle fois.
- C'est...</i>


- William, William !
L'intéressé se réveilla en sursaut, pour la troisième fois en deux nuits distinctes. Quelqu'un était en train de frapper à la porte.
- Euh... oui ?
- Jim organise un match de foot. Faut que tu viennes mec.
C'était Christophe.
- J'suis pas prêt. C'est à quelle heure ?
- Neuf heures trente. Active vieux.
Il regarda son réveil. Neuf heures moins dix. Et il avait besoin de se défouler.
- C'est bon, j'arrive.
Vingt-trois minutes plus tard, William était sur le terrain avec les autres. Kadic organisait parfois des matinées sportives le week-end et elles étaient ouvertes à tous les élèves. Jim valorisait la moyenne de ceux qui jouaient avec l'esprit sportif.
- Il est où Morales ?
- Il est parti chercher les maillots. Il veut que nous formions les équipes en attendant.
L'ancien Lyoko-guerrier regarda autour de lui. Il n'y avait que deux autres secondes à part William et Christophe M'Bala. La plupart des présents étaient des troisièmes. Dont bien entendu, Odd, Ulrich, et plus surprenant, Jérémie. À coté de lui se tenait un élève qu'il n'avait jamais vu.
La formation des équipes, en l'absence d'adulte, se fit difficile et dans un joyeux bordel. Le professeur d'E.P.S. revint.
- J'peux savoir ce que vous fabriquez ? lança-il aux élèves.
- Ben... les équipes, répondit Romain Le Goff.
- Ce capharnaüm, cette gabegie, t'appelles ça choisir toi ?
- J'ai déjà entendu ça quelque part... déclara Ulrich.
- Pas moi, soupira William.
- Je prend les choses en main, gronda GI-Jim. Vous allez être répartis selon vos notes en sport.
Il examina plus attentivement les joueurs qui avaient répondus présent. Il bloqua sur l'élève inconnu.
- Toi, tu m'dis quelque chose. Ton nom ?
- Belpois. Patrick. Je suis de passage à Kadic pour le week-end, je peux participer ?
- Hum, oui, on a besoin de toi pour avoir le compte. Je me disais aussi, je voyais Belpois bis de présent. Tu vas pouvoir enfin muscler autre chose que ton cerveau, hein Jérémie ?
Le blondinet baissa les yeux.
- Bon.
Jim sortit une feuille de format A7 et deux marqueurs. Il mit bien six minutes à faire la feuille de match, qu'il présenta finalement à tous. Le schéma était néanmoins très clair.

Image

- Kantaoui, Maillard, vous serez les capitaines de vos équipes respectives. Je vous laisse aller vous changer aux vestiaires.
L'équipe de William obtint le maillot bleu rayé de blanc, l'original de Kadic, tandis que l'équipe adverse reçut un maillot rouge avec des rayures noires.
- C'est bête ça, lança Odd à Ulrich suffisamment fort pour que l'intéressé entende. William devrait jouer avec nous, ce maillot lui irait mieux.
- Odd !
Le cri de rappel à l'ordre venait des gradins. C'était Aelita, qui regardait son « cousin » avec une expression agacée. William n'avait pas fait attention à elle. Jérémie était peut-être sur le terrain cette fois, mais malheureusement, Yumi était présente aussi en spectatrice. Là encore, il ne pouvait pas aller lui parler.
Della Robbia n'ajouta rien et se dirigea vers le vestiaire avec les autres. William fit de même avec sa propre équipe. Avant de parler stratégie, ils attendirent qu'Anne-Sophie les rejoigne. L'équipe rouge avait quitté le vestiaire pour causer dehors.
Jérémie posa un papier sur la table basse du local.
- Approchez, j'ai demandé son papier à Jim.
- Bien joué Belpois, félicita Mohamed, le désormais capitaine d'équipe.
- Ça ne va pas être facile, dit Chris. Il a mis Emmanuel et Matthias en défense centrale.
- Oui, approuva Johnny. Mais regardez, il a fait pareil de notre coté avec toi et William.
- Les secondes vont jouer les murs, commenta Émilio.
- Je trouve l'offensif tout aussi équilibré, ajouta Romain. Entre Ulrich, Théo et « Titi », ça va dépoter.
- Émilio aussi sait comment s'y prendre, ajouta Mohamed.
- Il faut accentuer nos efforts du coté droit, conseilla Jérémie. Julien refuse toujours de porter des lunettes malgré ses problèmes de vue, et Sophie ne court pas très vite.
- Oui, j'y compte bien, approuva Thierry.
- Qu'est-ce qu'il vaut au goal, Della Robbia ? demanda Christophe.
- On s'en tire sûrement mieux avec Nicolas. Ce poste lui convient à merveille d'ailleurs. Pas de stratégie. Alors qu'Odd est plutôt petit.
Le larbin de Sissi était en effet assis non loin, l'air absent.
- Ça va aller, Anne-Sophie ? questionna William, inquiet.
En effet, la cinquième semblait bien fragile. Johnny, qui avait pourtant un niveau de moins, était bien plus grand qu'elle.
- Euh... oui, oui, pas de soucis.
- On est là Willy au pire, rassura Chris.
- Faites bien attention à leur duo offensif, leur dit Romain. Ulrich et Théo ensembles, c'est très dangereux.
- T'inquiète mec.
- Sur ce, allons-y, ordonna leur capitaine.
L'équipe bleue rejoignit leurs adversaires sur le terrain. Les milieux offensifs Pierre François et Alexandre Pépin avaient l'air bien sûrs d'eux.
Au bord du terrain, Milly Solovieff et Tamiya Diop, les journalistes, avaient ramené de quoi filmer et commenter la rencontre. Jérémie leur passa la feuille de match.
- Voilà qui s'annonce très serré, débuta Milly une fois l'équipe de Mohamed en place. Le duo « Théo-Ulrich » contre Thierry « Titi » Suarès.
Jim fit signe à Emmanuel et à Mohamed d'approcher. Il proposa un pile ou face pour savoir qui allait tirer le coup d'envoi. Mohamed devina juste, mais laissa ses adversaires commencer.
- Prêts les jeunes ? N'oubliez pas, le football est la poursuite de la guerre par d'autres moyens.
- Qui a dit ça ? demanda Pierre François, incrédule.
- Je l'ai lu dans The Times.
- Vous lisez The Times m'sieur ?
- J'préfère pas en parler.
Et le surveillant donna le coup d'envoi.
- Engagement d'Ulrich pour Théo, commenta Milly. La balle est immédiatement remise aux milieux offensifs tandis que les attaquants s'engouffrent dans le camp adverse.
- Dis donc Milly, tu as progressé en foot depuis la dernière fois ! s'exclama Yumi depuis les gradins.
- Une journaliste doit toujours être au top, Ishiyama, lui répondit la jeune fille avec un clin d'œil. La japonaise lui rendit un sourire amusé.
Grâce à un "une-deux", Pierre et Alexandre avaient esquivé Thierry et Émilio. Mais Mohamed, aidé de Johnny qui assurait vachement pour son âge et Romain qui marquait Alexandre, reprit le ballon à Pierre François.
- Émilio !
- Superbe récupération du capitaine Mohamed Kantaoui ! s'exclama Tamiya en s'approchant du micro, qui envoie la balle en avant sur son camarade Émilio.
Milly ajouta :
- Mais c'était sans compter la taille de Thomas qui lui permet de dévier le ballon d'un coup de tête pour Théo ! Celui-ci déborde sur le coté droit, dribblant les Belpois sans problème.
- Willy ! Occupe-toi de Stern, lui envoya Chris.
En effet, ce dernier se devait d'aller bloquer Théo, laissant Dunbar avec Anne-Sophie pour marquer son rival qui attendait le centre.
- Sans X.A.N.A, tu n'es pas de taille, lui souffla-il.
Cette action ne pourrait pas le confirmer puisque Christophe M'Bala, avec un tacle tout à fait régulier, reprit seul la balle à Théo.
- Désolé mec !
- Bravo Christophe ! félicita Tamiya.
- À toi Patrick !
Le cousin de Jérémie n'était pas spécialement doué en football mais il avait un esprit combatif similaire à celui de M'Bala. Et tout comme lui, il savait s'amuser. Il parvint à passer Jolivet avec un grand pont, se rapprochant dangereusement des cages adverses.
- Yes !
Emmanuel sentit le danger.
- Ducroc !?
- Ouais.
- Arrête-le.
- Ouais !
Matthieu fit barrage. Patrick ne se sentait pas de taille et fit une passe en retrait pour Romain. Alors que ce dernier contrôlait le ballon, le capitaine adverse fit une remontée, laissant Matthias au marquage de Thierry, et lui subtilisa l'objet.
- L'équipe bleue perd la balle, analysa judicieusement Milly. Celle-ci est remise à Ulrich.
- Passez la balle à Thierry ! hurla Tamiya.
Le match du coté des commentateurs prenait une tournure intéressante. Milly était pour l'équipe rouge à cause de son gros faible pour Ulrich tandis que Tamiya était suspectée de craquer pour la star de l'équipe bleue, « Titi ».
L'ancien samouraï remontait rapidement le terrain, éliminant sans difficulté Johnny qui tentait de l'arrêter, et moins facilement, Mohamed.
- À moi de jouer, dit William, plus pour lui-même.
Il se rua à la rencontre de Stern, une expression de défi sur le visage. L'action se déroulant près de la ligne de touche, il ne pourrait pas tenter un débordement coté gauche. Mais William se laissa abuser par le fait qu'Ulrich semblait se diriger de ce coté quand même. Il comprit trop tard qu'il venait de subir un grand pont.
- Amateur.
Pourtant, son adversaire perdit le ballon. Anne-Sophie s'était placée de l'autre coté, coupant de fait la trajectoire de la balle avant qu'Ulrich ne puisse la récupérer, et fit immédiatement la passe à son capitaine.
- Félicitations Anne-Sophie ! lança William. Mais comment as-tu pu anticiper son mouvement ?
- C'est Jérémie qui m'a conseillé de me placer là.
Christophe et William se tournèrent vers leur quatrième défenseur. Celui-ci releva ses lunettes.
- C'était prévisible.
Mohamed leva le pouce dans leur direction avant de passer la balle à Émilio.
- Sur cette magnifique récupération d'Anne-Sophie Munier, l'équipe bleue repasse à l'offensive, observa Tamiya. Émilio Rodriguez se joue des milieux de terrains tandis que Thierry subit toujours un solide marquage dans la surface.
L'attaquant de pointe de l'équipe bleue était en effet encadré par Ducroc et Maillard. Matthias décida de les laisser pour attaquer Émilio, qui ne s'y attendait pas et envisageait déjà d'exploiter le point faible de Julien. Il n'avait pas le choix.
- Walker !
Johnny était là en soutient. Il déborda sur la droite suite à la passe en profondeur de son coéquipier, ce qui eut pour effet d'éliminer Julien au passage, sans qu'il n'y ait hors-jeu. Le temps que Matthias rectifie sa trajectoire, le prétendant de Yumi aurait déjà utilisé l'un de ses deux choix possibles : centrer sur Thierry qui était marqué par deux grands joueurs, ou tirer de cet angle fermé.
Il en privilégia finalement un troisième : Maintenant que Burrel se redirigeait vers lui, Émilio était démarqué.
- Oh, Émilio Rodriguez se retrouve en position de tir ! hurla Tamiya.
Celui-ci n'hésita pas et tira de toutes ses forces dans le tas. Emmanuel manqua de recevoir la balle en pleine tête, mais esquiva à temps. Le ballon passa aussi à quelques centimètres de Ducroc, ce qui le fit bien flipper.
- Euh... ouais ? s'exclama-t-il.
Odd avait de bons réflexes. Dignes d'un chat, peut-être. Il se glissa devant le ballon, tentant de le stopper. Mais son corps dont l'indice de masse corporelle faisait polémique pour savoir s'il était svelte ou maigrichon, ne supporta en tout cas pas la puissance de la frappe. Il valdingua dans les buts avec le ballon. Jim siffla.
- But ! cria Tamiya. La défense de Maillard, trop occupée à surveiller « Titi », en est venue à négliger la menace du milieu offensif adverse !
Thierry hocha la tête. La stratégie que les deux attaquants avaient montée discrètement entre eux avait parfaitement fonctionnée.
- Bravo Johnny ! cria une certaine japonaise en l'applaudissant.
Ce dernier rougit fortement. Sa remarque attira l'attention de William. Il se mit à faire le point sur Yumi intérieurement, à nouveau. Il n'était non seulement plus amoureux, mais n'avait finalement aucune envie d'être ami avec cette fille. Le sens moral de William avait profondément changé depuis son retour sur Terre. Or, l'asiatique était tout de même une sacrée hypocrite, avec ses reproches alors qu'elle était, elle-même, la principale fautive de sa capture. À cause d'elle, il avait raté plusieurs mois de sa vie.
- Hé Dunbar, secoue-toi ! somma son capitaine.
- Et m...
Plongé dans ses pensées, il n'avait pas vu l'engagement adverse. Théo et Ulrich étaient bien décidés à égaliser.
- C'est trop tard ! cria Théo.
Il amorça une passe en cloche, pour Ulrich qui était déjà passé derrière l'ancien lieutenant de X.A.N.A. William, troublé par ce qu'il venait de réaliser, était cloué sur place. Alors, chose incroyable, Anne-Sophie bondit, attrapant au vol le ballon que Théo venait de céder avant que celui-ci ne prenne trop de hauteur.
- Jérémie avait encore raison ! s'exclama-t-elle.
L'attaquant rouge, paralysé à son tour par ce contre inattendu, ne représentait plus aucun obstacle à la petite cinquième.
- Mais... c'est impossible...
- Ducroc !? appela de nouveau Maillard.
- Ouais ?
- Euh, non rien, trompé. François, Pépin, stoppez-moi ça.
Anne-Sophie, poussée par les acclamations de Christophe, William, Jérémie, Patrick et même Aelita et Yumi, semblait posséder une énergie folle. Comme si elle était... xanatifiée. Elle dribbla seule les milieux adverses trop confiants, mais se fit intimider par la taille de Matthias et d'Emmanuel, qui étaient lycéens après tout. Elle tenta un tir en visant la lucarne droite, mais Odd repoussa aisément la balle du poing. Le ballon fut envoyé du coté des gradins... sur Aelita. Surprise, elle le reçut sur le crâne.
- Ça va Aelita ? demanda Yumi.
La fille aux cheveux roses secoua la tête avant de répondre.
- Oui, oui... mais je vais aller dans ma chambre chercher un Efferalgan.
C'était le moment où jamais. William devait à tout prix la suivre, et lui parler avant qu'elle ne revienne. Mais s'il quittait le terrain comme ça, Jim ne le lui pardonnerait pas avant la fin du cycle scolaire. Il fallait une idée.
Pendant qu'il réfléchissait à toute vitesse, Johnny joua la touche mais celle-ci, en direction de Thierry qui n'avait toujours pas touché le ballon, était un peu molle. Sophie parvint à l'intercepter, et la balle se retrouva bien vite dans les pieds d'Ulrich. Bien sûr ! William savait comment lier l'utile à l'agréable sur ce coup. Il voulut laisser passer Ulrich et le tâcler par derrière mais celui-ci fit finalement la passe à Théo qui parvint à éliminer Romain et Christophe.
- Ulrich !
Il centra.
- On va enfin voir si tu peux t'en sortir sans ta fillette, aboya Ulrich.
William n'hésita pas. Il envoya un discret mais puissant coup de coude dans la figure de Stern.
- Argh !
Celui-ci se prit immédiatement la tête entre les mains. Nicolas attrapa le ballon lui-même. Jim siffla.
- Faute ! Dunbar, carton rouge. Tu sors ! Et on va avoir une bonne explication à la fin du match, compte là-dessus garçon.
Le fautif n'éprouva aucun remord. Le regard de Yumi, à mi-chemin, entre la surprise et la haine le fit jubiler en prime.
- Je le préférais débile ! lança Matthias.
- Mec, pourquoi t'as fais ça ? lui demanda Chris.
- Pour avoir des réponses.
Et il quitta le terrain. Dès que l'attention de GI-Jim fut reportée sur le match, il fila à l'anglaise vers les chambres. Heureusement qu'il avait eu la bonne idée de mémoriser celles de ses anciens amis.
Il ne frappa pas, craignant qu'Aelita ne le fasse pas entrer s'il devait avouer son identité. La jeune fille était en train de chercher un médicament dans sa trousse à pharmacie.
- Aelita ?
- Qu... Ah !
- Pourquoi tu gueules comme ça ? lui demanda William, à deux doigts de craquer.
L'ancienne gardienne de Lyoko se ressaisit.
- Oh non, excuse-moi William mais c'est que... enfin, la dernière fois...
Elle se racla un instant la gorge.
- La dernière fois que tu es entré dans ma chambre, c'était pour m'enlever...
L'adolescent baissa la tête. Que pouvait-il dire pour se défendre ? Il ne s'en souvenait même pas.
- Euh... tu veux quelque chose ?
Il releva les yeux.
- Te parler.
Elle sentit à son expression que ce n'était pas le moment de refuser.
- Je comprends. Mais va te changer d'abord. Je t'attends ici, promis.
Il n'avait pas vraiment le choix, il devait la croire sur parole. Et puis il se sentirait plus à l'aise dans ses fringues.
Il revint dix-sept minutes plus tard. Il en avait profité pour changer sa tenue habituelle contre d'autres vêtements qu'il jugeait plus à l'image de sa nouvelle personnalité. Un jean bleu classique, mais pas délavé, un T-shirt blanc avec des motifs noirs et une veste bleue de la même couleur que le pantalon. Les deux adolescents s'assirent sur le lit.
- Ça va ? demanda Aelita, inquiète.
Il esquiva cette question imbécile.
- Dis-moi, pourquoi vous m'avez ramené ?
La fille de Hopper ouvrit des yeux ronds.
- Comment ça ?
- Eh bien, pourquoi m'avoir sauvé des griffes de X.A.N.A ? Vous ne m'avez laissé aucune chance de payer ma dette et maintenant qu'il est mort, je ne la rembourserai jamais.
Elle affichait une expression nettement embarrassée.
- C'est à dire... on s'en voulait de t'avoir entraîné la-dedans.
- C'est tout ?
- ...
- Aelita !
- Mais... non... tu manquais sans doute à Yumi.
Une excuse digne de Poliakoff dans le contexte.
- Tu plaisantes, rassure-moi ?
C'était sans issue et William le savait. Ils ne l'avaient ramené que dans leur intérêt. Parce que la réplique ne tenait pas la route, que ses parents se posaient trop de questions, ou même qu'il était trop handicapant à continuellement affronter sur Lyoko. Habilement, elle saisit la perche pour détourner la conversation.
- Elle finira par te pardonner. Laisse-lui un peu de temps.
- Je m'en fiche. Je ne veux plus entendre parler d'elle. Et je n'ai rien à me reprocher. Elle n'avait qu'a me faire confiance plus tôt. D'ailleurs, je commence à rêver d'une autre fille.
- Oh, raconte-moi ça.
William se fit volontairement peu précis sur le contexte, pour éviter d'avoir à expliquer qu'il dégommait ses amis sur Lyoko dans la première partie du songe.
- Cela fait trois fois de suite que je rêve d'une même fille, dans un endroit qui existe vraiment. Cela ne me semble pas être une coïncidence.
- Mais, une fille de Kadic ?
- Probablement pas.
Aelita réfléchit.
- Étrange ton histoire. Mais ce que je peux te conseiller, c'est de ne pas négliger tes rêves. Les miens ont une importance toute particulière à mes yeux...
- Super. J'en suis donc à rêver ma vie au lieu d'avoir la vie de mes rêves.
William se releva, et se dirigea vers la sortie :
- J'essayerai de parler aux autres, lui promit Aelita tandis que celui-ci refermait la porte de sa chambre.
Les autres. C'était trop tard cette fois. Et puis le simple fait d'avoir à « leur parler » pour qu'ils changent d'attitude prouvait qu'ils ne jouaient pas dans la même cour que William.
Comme midi approchait et que la faim du Lyoko-guerrier l'empêchait de réfléchir, il se dirigea vers le réfectoire. Après s'être restauré, il croisa Jim sur le chemin du retour.
- Dunbar !

...

William quitta le bureau du proviseur. Quatre heures de colle. Deux pour la conduite antisportive sur Ulrich et deux pour avoir levé le camp sans autorisation. Mais il s'en fichait complètement. Il en avait marre de Kadic. Il allait suivre ses rêves.
Empruntant le passage du gymnase, il se rendit à l'usine. Il sélectionna le niveau -3 sur le monte-charge. Arrivé dans la salle du Supercalculateur, il le ralluma. Ce n'était pas compliqué, il n'y avait qu'une seule poignée à actionner. Il ré-emprunta l'ascenseur pour arriver au niveau -1, le labo. Se virtualiser, en différé qui plus est, risquait d'être difficile. Heureusement, Jérémie laissait toujours traîner ses notes et il se souvenait vaguement des manipulations effectuées par Aelita.
Il lui fallut bien trois quarts d'heure, mais il y parvint enfin. C'était l'important. Il emprunta alors l'échelle pour accéder à l'étage inférieur et attendit dans le scanner préprogrammé qui se referma finalement sur lui. « On est jamais mieux servi que par soi-même » pensa-t-il, avant de jouer la scène mentalement, bien que totalement puérile :
« - Transfert moi.
...
- Scanner moi.
...
- Virtualisation. »
...
William apparut sur le territoire de la banquise, non loin d'un certain iceberg qu'il commençait à bien connaître pour l'avoir rêvé par trois fois. Tout s'était donc parfaitement déroulé, et William se trouvait à l'endroit prévu avec sa combinaison d'origine. « Elle » l'attendait, il en était certain. Il se mit alors à gravir lentement la pente de glace qui menait au sommet. Le ventre noué, il arriva en haut. Il avait presque peur de regarder. Dans un élan de folie, il s'y résolut finalement.
Mais il n'y avait personne.